Un rapport d'ONG révèle que 28 méga-projets d'énergies fossiles, ou "bombes carbone", ont été lancés depuis 2021. Ces projets, capables de générer plus d'un milliard de tonnes de CO2 chacun, mettent en péril l'objectif de l'Accord de Paris de limiter le réchauffement à 1,5°C, malgré les engagements internationaux et les avertissements scientifiques.
Le concept de "bombe carbone" a été théorisé en 2022 pour désigner un projet d'extraction d'énergies fossiles (pétrole, gaz ou charbon) dont le potentiel d'émission dépasse un milliard de tonnes de CO2 sur toute sa durée de vie.
Un nouveau décompte, mené par un consortium d'ONG incluant Lingo, Data for Good et Reclaim Finance, dresse un bilan alarmant : 28 de ces bombes ont été amorcées entre 2021 et 2025.
Une menace systémique aux dimensions colossales
Le rapport recense un total de 601 bombes carbone à travers le monde, dont 365 conservent un potentiel d'émission supérieur au seuil critique. Au-delà de ces méga-projets, les organisations ont identifié plus de 2 300 projets d'extraction de taille plus modeste, mais dont les rejets cumulés représentent une menace tout aussi sérieuse.
Chacun de ces "petits" projets est capable de générer plus de 5 millions de tonnes de CO2, l'équivalent des émissions annuelles d'une métropole comme Paris. Mises bout à bout, les émissions potentielles de l'ensemble de ces nouvelles infrastructures d'énergies fossiles sont effarantes.
Elles représentent 11 fois le "budget carbone" mondial restant si l'humanité veut conserver une chance de limiter le réchauffement sous la barre des 1,5°C. Un objectif déjà considéré comme extrêmement difficile à atteindre par la communauté scientifique.
Qui sont les acteurs derrière cette course effrénée ?
La géographie de ces projets dessine une carte des responsabilités. La Chine arrive largement en tête, concentrant 43 % des bombes carbone identifiées, suivie par la Russie (9 %) et les États-Unis (5 %).
Du côté des entreprises, les majors occidentales sont particulièrement actives, mais les champions des émissions potentielles sont le géant saoudien Saudi Aramco et le chinois CHN Energy.
Cette dynamique climaticide est largement soutenue par le secteur financier. Entre 2021 et 2024, les 65 plus grandes banques mondiales ont injecté plus de 1 600 milliards de dollars dans les entreprises développant ces projets. Un soutien financier massif qui alimente directement la machine du réchauffement climatique et ignore les avertissements répétés des experts.
Des engagements climatiques réduits en cendres ?
Ce constat met en lumière un décalage abyssal entre les discours politiques et la réalité industrielle. L'année 2021, point de départ de cette analyse, est pourtant celle où l'Agence internationale de l'énergie (AIE) a clairement affirmé que tout nouveau projet pétrolier ou gazier était incompatible avec les objectifs climatiques. Deux ans plus tard, la COP28 a abouti à un accord historique appelant à une transition progressive hors des énergies fossiles.
Pour Lou Welgryn, de l'ONG Data for Good, le diagnostic est sans appel : "L’industrie fossile et ceux qui la financent sont en train de réduire en cendres l’Accord de Paris". Mais ces conclusions sont-elles encore audibles ?