L'Union européenne s'apprête à faire un choix décisif pour son futur bouclier antimissile. Face aux contraintes budgétaires, la Commission ne financera plus qu'un seul projet d'intercepteur hypersonique à partir de 2026. Cette décision place les consortiums rivaux, menés respectivement par l'Allemagne et la France, devant une alternative brutale : fusionner ou s'affronter pour la survie.

Les armes hypersoniques, développées activement par la Russie et la Chine (et les Etats-Unis mais avec un peu de retard), redéfinissent les règles de la guerre moderne par leur capacité à manœuvrer de façon imprévisible.

Pour contrer cette menace hypersonique, l'Europe avait jusqu'ici laissé courir deux initiatives parallèles, espérant stimuler l'innovation par l'émulation. Une stratégie de « double source » qui semble désormais atteindre ses limites face à la problématique des coûts de développement.

L'heure du choix budgétaire a sonné

Le programme de travail 2026 du Fonds européen de la défense devrait marquer un tournant drastique pour l'industrie. Selon plusieurs sources proches du dossier, la Commission européenne a décidé de ne soutenir qu'un unique programme d'intercepteur à l'avenir.

La fragmentation du marché européen, trop restreint pour absorber deux systèmes concurrents, rend le maintien du statu quo impossible et oblige les décideurs à trancher dans le vif.

DGA Vmax missile hypersonique

Essai du missile hypersonique français V-MAX par la DGA en 2023

Les industriels se retrouvent donc au pied du mur avec un calendrier serré. Ils devront soit opter pour une fusion forcée de leurs programmes respectifs, soit entrer dans une arène où il n'y aura qu'un seul vainqueur.

Si la coopération semble sur le papier la voie la plus sage pour préserver les compétences de chacun, elle impliquerait d'âpres négociations sur le partage des tâches, avec des délais rallongés, le temps de se mettre d'accord. Or, ce temps pourrait manquer face aux menaces de plus en plus concrètes.

Dans le cas contraire, une concurrence frontale risque de laisser l'un des deux acteurs majeurs sur le carreau, sans accès aux précieux financements communautaires.

Le duel technique entre HYDEF et HYDIS

D'un côté se trouve le projet HYDEF, lancé en 2022 sous la houlette de l'espagnol Sener et coordonné techniquement par l'allemand Diehl Defence. Ce programme avait créé la surprise en remportant l'appel d'offres initial, positionnant ses concepteurs comme les pionniers du futur intercepteur hypersonique.

Conçu pour détruire des menaces en plein vol, ce système se veut la pierre angulaire de l'architecture défensive de l'OTAN en Europe, misant sur une approche technologique novatrice.

MBDA Hydis intercepteur hypersonique

Projet d'intercepteur hypersonique du projet HYDIS

De l'autre côté, le projet HYDIS est porté par le missilier MBDA, géant du secteur détenu notamment par Airbus, BAE Systems et Leonardo. Lancé un an plus tard en réaction à l'attribution du premier contrat, ce programme visait à maintenir la France et ses partenaires dans la course technologique.

MBDA avait d'ailleurs vivement contesté la décision initiale de Bruxelles, arguant de son expertise historique pour réclamer une seconde chance, finalement accordée sous forme d'une étude parallèle qui touche aujourd'hui à sa fin.

Une rivalité industrielle sous haute tension

Au-delà de la technique, c'est une bataille d'influence politique qui se joue en coulisses entre Paris et Berlin. La perspective de voir un unique consortium diriger ce projet stratégique réveille les vieux démons de la coopération franco-allemande.

Comme pour d'autres programmes majeurs, la question du leadership industriel est centrale et pourrait raviver des tensions industrielles similaires à celles observées sur le dossier de l'avion de combat du futur.

La décision finale de la Commission, attendue prochainement, devra redessiner le paysage de la défense pour les décennies à venir. Dans un contexte géopolitique instable, garantir une souveraineté technologique européenne est impératif.

Toutefois, la route pour y parvenir exigera que les gouvernements et les industriels acceptent de mettre de l'eau dans leur vin pour éviter qu'un conflit d'ego ne paralyse la sécurité du continent.

Source : Euractiv