Lundi soir, l'Assemblée nationale a largement rejeté la proposition du gouvernement d'augmenter la fiscalité des biocarburants B100 et E85. Ce vote, porté par une alliance politique hétéroclite, préserve un avantage fiscal crucial pour les filières agricoles et les transporteurs, mais relance le débat sur la pertinence écologique et budgétaire de ces carburants d'origine végétale.

L'Hémicycle a parlé, et le message est clair. Lundi soir, les députés ont massivement rejeté, par 147 voix contre 43, la disposition visant à supprimer les avantages fiscaux des biocarburants B100 (biogazole à base de colza) et E85 (éthanol). Cette décision, qui va à l'encontre de la volonté gouvernementale, met en lumière les tensions profondes qui traversent les débats budgétaires actuels.

Un front politique inattendu pour préserver les filières françaises

Le projet de loi de finances pour 2026 prévoyait de mettre fin au tarif particulier du B100, très utilisé par les transporteurs, et de réduire progressivement l'avantage fiscal de l'E85, produit notamment à partir de betteraves.

Superethanol e85

L'annonce a provoqué une véritable levée de boucliers, unissant les producteurs de colza et de betteraves, les industriels et le puissant syndicat agricole, la FNSEA. Cette mobilisation s'est traduite par le dépôt de plus d'une vingtaine d'amendements de suppression, émanant d'un large spectre politique allant du centre à l'extrême droite, en passant par des élus socialistes et communistes.

C'est finalement un amendement porté par le député MoDem Richard Ramos qui a été adopté. L'enjeu était clair : éviter un retour vers des carburants fossiles importés et préserver les filières françaises, qui représentent l'activité de quelque 120 000 agriculteurs.

Le gouvernement, par la voix de la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin, a regretté de ne pas avoir pu défendre une proposition de compromis, prise de vitesse par l'ordre des votes.

Quels étaient les arguments au cœur du débat ?

Au-delà de la défense des filières agricoles, les arguments économiques et sociaux ont pesé lourd dans la balance. Pour les défenseurs du maintien des avantages, augmenter la fiscalité sur ces carburants aurait été un coup dur pour le pouvoir d'achat des automobilistes.

pompe station essence

Le député RN Eddy Casterman a ainsi pris la défense des « millions d'automobilistes qui n'en peuvent plus d'être les vaches à lait ».

L'impact sur les entreprises a également été souligné, notamment dans le secteur du BTP. La suppression de cette mesure a donc été perçue comme une mesure de protection indispensable pour des secteurs économiques déjà sous tension et une façon de préserver la compétitivité.

Le biocarburant, une solution écologique en trompe-l'œil ?

Le consensus politique s'est toutefois fissuré sur la question environnementale. Le député écologiste Benoît Biteau a vivement critiqué l'emploi du terme « biocarburant », lui préférant celui d'« agrocarburants » qui, selon lui, « n'ont rien de bio ».

Il a dénoncé une solution écologique en apparence, soulignant la forte dépendance de leur production aux énergies fossiles. et remettant en cause le bilan carbone global de ces carburants. Ce débat met en exergue une divergence profonde sur la stratégie de transition énergétique à adopter.

Ce vote de l'Assemblée nationale n'est cependant qu'une étape dans le parcours législatif du budget. Le texte doit maintenant être examiné par le Sénat, où les débats sur la fiscalité des biocarburants pourraient être relancés. Le sort final de cet avantage fiscal, au cœur d'enjeux agricoles, économiques et écologiques contradictoires, reste donc encore en suspens.