Annoncée pour la rentrée 2025-2026 par la ministre de l’Éducation nationale d'alors, Élisabeth Borne, la généralisation de la « pause numérique » au collège devait améliorer le climat scolaire et lutter contre le cyberharcèlement. L'idée : contraindre physiquement les élèves à laisser leurs téléphones dans des casiers ou des pochettes dédiées. Deux semaines après la rentrée, le bilan est sans appel : le dispositif est un échec retentissant, ignoré par une écrasante majorité d'établissements.
Un dispositif jugé redondant et inutile
Le principal argument des chefs d'établissement est simple : une solution existe déjà et elle fonctionne. En effet, la loi de 2018 interdit formellement l'utilisation des téléphones portables dans l'enceinte des écoles et des collèges. Chaque établissement a déjà intégré cette règle à son règlement intérieur, avec des sanctions à la clé en cas de non-respect. Pour beaucoup, cette nouvelle mesure est donc superflue. « La loi de 2018 donne plutôt satisfaction. L’usage du téléphone est proche de 0 dans plein de collèges », explique Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du syndicat SNPDEN-UNSA, qui considère qu'il n'y a « pas de nécessité de faire évoluer le fonctionnement ».
Des freins financiers et logistiques insurmontables
Au-delà de son inutilité perçue, la mise en place du plan se heurte à des obstacles très concrets :
- Un coût exorbitant : L'équipement nécessaire, qu'il s'agisse de casiers ou de pochettes magnétiques, représente un investissement lourd, estimé entre 10 000 et 15 000 € par établissement. Face aux restrictions budgétaires, les collectivités territoriales, responsables des finances, sont très réticentes. Antony Trifaut, conseiller départemental en Sarthe, refuse ainsi de « dépenser un demi-million d’euros d’argent public pour ce dispositif dont on ne connaît pas l’efficacité ».
- Un manque de personnel : La gestion quotidienne de la collecte et de la restitution des téléphones nécessite du personnel. Or, les établissements manquent déjà d'assistants d'éducation pour leurs missions prioritaires. Se pose aussi la question de la responsabilité en cas de vol ou de casse des appareils confiés.
Un « effet d’annonce » politique déconnecté du terrain
Pour les syndicats de chefs d'établissement, ce plan ressemble avant tout à un « effet d’annonce » politique. Une enquête du SNPDEN-Unsa révèle que 67 % des directeurs de collège n'appliqueront pas la mesure. Ils pointent une injonction verticale, déconnectée des réalités du terrain et des solutions déjà en place. De leur côté, de nombreux parents voient le téléphone comme un outil de sécurité pour pouvoir joindre leurs enfants à l'extérieur de l'établissement, ce qui complexifie encore l'équation.
Quelle suite pour la pause numérique au collège ?
Face à ce rejet massif, le ministère de l'Éducation temporise, rappelant que les établissements ont jusqu'à la fin de l'année 2025 pour se décider. Quelques rares collèges, comme le collège Alfred-Jarry en Mayenne, tentent l'expérience en finançant le projet via des enveloppes départementales et des sponsors locaux. Ces initiatives restent toutefois marginales et confirment que, sans moyens dédiés et une adhésion du personnel, la généralisation de la "pause numérique" semble compromise.