À quelques jours de la rentrée scolaire, une annonce a secoué le monde de l'éducation. Le gouvernement va proposer une IA conçue spécifiquement pour les professeurs. Cette initiative s'inscrit dans un contexte où 80 % des élèves et 20 % des enseignants utilisent déjà ces technologies, souvent sans formation ni accompagnement. Si l'objectif affiché est de moderniser les pratiques pédagogiques, le projet suscite un débat intense, oscillant entre la promesse d'une révolution et la crainte d'un outil déjà obsolète à son lancement.

Un assistant pédagogique pour épauler le corps enseignant

Loin de remplacer le professeur, l'outil se veut être un « cerveau auxiliaire », selon les termes d'Élisabeth Borne. La mission de cette IA est double. D'une part, elle doit aider à la préparation des leçons en servant à « débroussailler le travail », permettant aux enseignants de se concentrer sur la pédagogie et la personnalisation. D'autre part, elle a pour ambition d'offrir un suivi plus fin des élèves, en aidant à « mieux comprendre ce qu’un élève a compris et ce qu’il n’a pas compris, où sont ses blocages ». L'idée est de faire de la technologie un levier pour faciliter l'apprentissage, sans jamais se substituer au raisonnement et à la réflexion.

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Crédits : geralt / Pixabay

Un projet souverain encadré par une charte éthique

Pour concrétiser cette ambition, l'État met les moyens. Un appel à projets, financé à hauteur de 20 millions d'euros via le plan France 2030, a été lancé pour développer une « IA souveraine ». Cette solution française, maîtrisée de bout en bout, devrait être déployée dans les établissements à partir de l'année scolaire 2026-2027. Ce déploiement ne se fera pas sans garde-fous. Une vaste consultation nationale a été menée au premier trimestre 2025 avec tous les acteurs du monde éducatif. De plus, une charte est en cours de finalisation pour définir un « usage éthique de l’IA », précisant le cadre d'utilisation pour la pédagogie comme pour les tâches administratives.

Une initiative déjà dépassée par la réalité du terrain ?

La question centrale que soulève ce projet est celle de sa pertinence face aux usages actuels. Les professeurs n'ont pas attendu une solution officielle pour explorer le potentiel de l'IA. Beaucoup utilisent déjà librement des modèles bien plus avancés et polyvalents comme ChatGPT, Gemini ou même l'alternative française Mistral AI. La crainte est donc de voir arriver un outil étatique bridé, moins performant et qui arrivera après la bataille. Pourquoi les enseignants délaisseraient-ils des outils qu'ils maîtrisent déjà pour une solution imposée et potentiellement plus limitée ? Le véritable enjeu semble moins technologique que centré sur la formation et l'accompagnement des compétences que le corps enseignant a déjà commencé à développer.

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Entre promesses et craintes, un débat animé

L'arrivée de l'IA à l'Éducation nationale est loin de faire l'unanimité. Pour Orianne Ledroit de EdTech France, les IA éducatives peuvent mener à des apprentissages « plus stimulants, plus personnalisés », en aidant les professeurs à « identifier encore mieux les fragilités ou les facilités d’un élève ». À l'opposé, Christophe Cailleaux, professeur et membre du SNES, y voit un « problème anthropologique » et s'inquiète d'une dévaluation de l'apprentissage. Il redoute que l'IA ne serve de prétexte pour remplacer des professeurs, citant des expérimentations de classes sans enseignants menées à l'étranger. L'éthicienne Giada Pistilli pointe une forme d'« hypocrisie » à vouloir doter les enseignants d'IA pour évaluer des élèves qui, eux, n'auront pas le droit de les utiliser de manière autonome avant la classe de 4ème.