Le bras de fer était engagé depuis des mois, opposant les géants de la diffusion sportive aux champions de l'anonymisation en ligne. C'est désormais une page qui se tourne : Canal+ et la Ligue de Football Professionnel (LFP), déterminés à défendre leurs précieux droits de retransmission, viennent de remporter une bataille judiciaire qui fera date en France. Un jugement du tribunal de Paris force, pour la toute première fois, plusieurs poids lourds des services de VPN à devenir des acteurs du blocage des sites de piratage sportif.
Un coup de marteau judiciaire : les VPN contraints de filtrer
Le verdict est tombé, et il pèse lourd. Suite à une audience qui s'est tenue fin avril, le tribunal judiciaire de Paris a tranché en faveur des plaignants, Canal+ et la LFP. Des noms aussi établis que NordVPN, ProtonVPN, Cyberghost, Surfshark ou encore ExpressVPN sont désormais dans l'obligation de barrer la route, depuis le sol français, à une liste mouvante d'environ 200 sites internet. Ces derniers, véritables supermarchés du streaming illégal (avec des enseignes comme Rojadirecta ou StreamEast), permettaient jusqu'alors de contourner les abonnements pour visionner les rencontres de la Ligue des Champions, Top 14, et autres compétitions sportives de premier plan. La mise en conformité doit être rapide : trois jours à peine après la notification du jugement. Et pour que nul n'en ignore, les fournisseurs de VPN devront même afficher cette décision de justice en page d'accueil de leurs services. Une communication pour le moins... directe.
La stratégie des VPN mise à mal : quelles implications ?
Cette offensive judiciaire marque un changement de paradigme. Si la lutte contre le streaming illégal s'était jusqu'ici concentrée sur les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) et les résolveurs DNS, elle prend désormais pour cible directe les services de VPN, souvent perçus comme le dernier rempart pour accéder aux contenus bloqués. Le tribunal a estimé que ces services, en tant qu'intermédiaires techniques (selon l'article L. 333-10 du code du sport), avaient un rôle à jouer pour endiguer les "atteintes graves et répétées aux droits exclusifs" de Canal+ et de la LFP. Les arguments des VPN, invoquant les difficultés techniques du filtrage ou la non-conformité de la loi française avec le droit européen, n'ont pas fait mouche. La liste des sites à mettre à l'index n'est d'ailleurs pas figée : elle pourra être actualisée sur signalement à l'Arcom. Une clause particulièrement scrutée permet même d'envisager le blocage de sites dont la vocation principale est la diffusion illégale, ouvrant la porte à des actions quasi préventives.
L'avenir incertain des VPN en France et la course contre le piratage
Quelle sera la riposte des géants du VPN ? Un appel est envisageable, mais il ne suspendrait pas l'application immédiate de la sentence de blocage. Certains pourraient être tentés par une solution plus radicale : quitter purement et simplement le marché français, à l'image de ce qu'avait fait OpenDNS (Cisco) face à des exigences similaires par le passé. Pour les utilisateurs habitués à naviguer dans les zones grises du streaming sportif, l'accès aux retransmissions illicites via ces VPN sera donc notablement plus ardu, au moins jusqu'à la fin des compétitions en cours, prévue pour juin 2025. Cependant, il serait naïf de croire à la fin du match. Le jeu du chat et de la souris entre ayants droit et diffuseurs pirates, alimenté par la constante émergence de nouvelles plateformes et techniques de contournement, est sans doute loin d'avoir livré son dernier épisode.