Face aux incursions répétées de drones russes, la Commission européenne pousse l'idée d'un mur anti-drones continental. Mais entre les réticences de la France et de l'Allemagne, les défis techniques et les luttes de pouvoir avec l'OTAN, ce projet ambitieux teste les limites de la défense européenne commune et peine à se concrétiser.

L'idée a germé après une série d'incidents qui ont sonné l'alarme à travers le continent. En septembre, l'incursion d'une vingtaine de drones russes dans l'espace aérien polonais a forcé l'OTAN à en abattre trois, une première historique.

Cet événement, suivi de détections suspectes au-dessus d'aéroports au Danemark et en Allemagne, a convaincu la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, de la nécessité d'une protection renforcée sur le flanc oriental de l'Europe.

Un projet ambitieux mais un chemin semé d'embûches

L'ambition initiale était de créer un réseau intégré de capteurs, de systèmes de brouillage et d'armes le long de la frontière Est. Cependant, le projet fait face à une forte résistance.

Drone pexels David Mielimonka

Andrius Kubilius, le commissaire européen à la Défense, reconnaît que les capacités actuelles sont "assez limitées". De plus, la proposition se heurte au scepticisme des pays du sud et de l'ouest de l'Europe, qui estiment que la menace des drones concerne tout le continent et pas seulement sa bordure orientale.

Pour rallier plus de soutiens, la Commission a dû lâcher du lest et élargir son concept. Le projet, qui pourrait être renommé "Initiative européenne de défense contre les drones", vise désormais une organisation à l'échelle continentale.

Malgré l'opportunité commerciale pour des géants comme Rheinmetall, le financement reste incertain sans un soutien politique massif, transformant la concrétisation en un véritable défi.

La lutte de pouvoir entre Bruxelles, Paris et Berlin

Au-delà des aspects techniques, le bouclier anti-drones est au cœur d'une lutte d'influence. La défense est un domaine traditionnellement réservé aux États membres et à l'OTAN.

Des puissances comme la France et l'Allemagne sont particulièrement réticentes à confier le contrôle d'un projet d'une telle envergure à la Commission européenne. Le président français Emmanuel Macron a d'ailleurs qualifié l'idée d'un "mur" de simpliste face à des menaces "plus complexes".

flotte fantome russe drones illustration ia

L'OTAN, de son côté, soutient l'initiative mais à une condition claire : l'Alliance doit rester le maître d'œuvre. Lors d'une réunion à Bruxelles, il a été rappelé que l'UE devait agir en bonne intelligence avec l'OTAN, qui entend bien dicter la marche à suivre. Cette dynamique complexe illustre la difficulté pour l'UE de s'affirmer comme un acteur de défense autonome.

Quelle technologie pour contrer une menace évolutive ?

S'inspirant fortement de l'expérience ukrainienne, le futur système de défense devra être multi-niveaux. Les experts évoquent une combinaison de caméras, de radars, de détecteurs acoustiques et de systèmes de radiofréquences pour la détection. Pour la neutralisation, l'arsenal serait tout aussi varié : mitrailleuses, canons, missiles, drones intercepteurs, brouillage électronique et même lasers.

L'intelligence artificielle jouera un rôle crucial pour identifier et cibler les menaces avec rapidité. Le défi est immense, car il n'existe pas de solution miracle. Le coût disproportionné, comme un missile à un million d'euros pour abattre un drone à 10 000 euros, pose la question de la viabilité économique.

La technologie des drones évoluant à grande vitesse, tout système nécessitera des mises à jour constantes, laissant planer le doute sur une capacité opérationnelle concrète avant plusieurs années.