Donald Trump a signé un décret classant le fentanyl comme arme de destruction massive. Cette décision s'inscrit dans une militarisation de la lutte anti-drogue, incluant des frappes militaires.

Elle est cependant qualifiée d'"exercice politique" par des experts qui remettent en cause son efficacité et sa base légale, pointant des contradictions dans la stratégie de l'administration.

C'est dans le Bureau Ovale, lors d'une cérémonie de remise de médailles à des militaires, que le président Donald Trump a signé un décret présidentiel historique.

Ce texte classe désormais le fentanyl illicite et ses précurseurs chimiques comme des armes de destruction massive. « Aucune bombe ne fait ce que cela fait », a-t-il déclaré, soulignant la gravité de la menace que représente cet opioïde de synthèse pour le pays.

Une justification sécuritaire pour une escalade militaire ?

Le décret présente la production et la distribution de fentanyl comme une menace directe pour la sécurité nationaleargument-massue régulièrement utilisé et contre lequel il reste difficile de s'opposer.

Selon le texte, ces activités financent des "organisations terroristes étrangères" et des cartels, leur permettant de mener des attentats et des insurrections.

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L'administration entend ainsi utiliser tous les outils à sa disposition pour démanteler ces réseaux, en mobilisant le Département de la Justice et celui du Trésor pour cibler les actifs financiers liés à cette nouvelle stratégie de lutte contre le trafic de drogue.

Cette décision s'inscrit dans un contexte d'escalade militaire plus large de la  "guerre contre la drogue". L'administration a déjà autorisé plus de 20 frappes contre des navires suspects dans les Caraïbes, causant plus de 80 morts.

La classification du fentanyl en ADM pourrait fournir une justification légale supplémentaire pour des actions plus directes, y compris des frappes terrestres au Venezuela ou au Mexique, un écho à la justification utilisée pour l'invasion de l'Irak en 2003.

Un « exercice politique » aux effets contestés

La portée pratique de ce décret reste floue et suscite le scepticisme de nombreux juristes. Dennis Fitzpatrick, ancien procureur fédéral, qualifie la mesure d'"exercice politique", arguant qu'elle pourrait complexifier le travail des enquêteurs qui s'appuient sur un cadre juridique existant, déjà robuste et éprouvé.

Un président ne pouvant modifier la loi par décret, cette annonce est perçue par certains comme une simple posture politique sans impact concret.

Vance Trump

Les affirmations de l'administration sont également remises en question par les faits. Donald Trump a évoqué "200 000 à 300 000 morts par an", des chiffres largement gonflés par rapport aux données officielles du CDC, qui montrent au contraire une baisse des décès par overdose, rapportent les médias américains.

De plus, les experts soulignent que le fentanyl serait difficile à utiliser comme une arme de destruction massive, un seul cas documenté d'utilisation sous forme de gaz par la Russie en 2002 ayant été recensé.

Une stratégie minée par ses propres paradoxes

Des spécialistes du trafic de drogue pointent un paradoxe tactique. Les frappes militaires en mer ciblent principalement des bateaux transportant de la cocaïne, souvent destinée à l'Europe, et non du fentanyl.

Selon Jeffrey Singer, du Cato Institute, cette pression accrue pourrait même être contre-productive, incitant les cartels à se tourner vers des stupéfiants synthétiques comme le fentanyl, plus puissants et plus faciles à produire et à dissimuler.

Le plus grand paradoxe politique réside cependant dans la politique de grâces accordées par le président. Alors qu'il affiche une fermeté sans précédent, Donald Trump a gracié plusieurs figures majeures du narcotrafic, comme l'ex-président hondurien Juan Orlando Hernández.

Pour les observateurs, ces décisions créent une confusion totale et sapent la crédibilité de la lutte contre les narcotrafiquants. La question reste donc entière : cette rhétorique martiale se traduira-t-elle par des résultats concrets ou restera-t-elle un feu de paille éclipsé par ses propres contradictions ?