Un drone dans le ciel, ce n'est pas anodin, surtout quand il filme une manifestation. Le tribunal administratif de Bordeaux vient de le rappeler sèchement à l'État en annulant un arrêté préfectoral qui autorisait, en mai 2023, la surveillance par drones d'un rassemblement contre la réforme des retraites.

La décision, rendue publique ce 7 octobre, est une victoire symbolique pour les libertés publiques et un avertissement clair : pas de surveillance généralisée sans justification solide.

Pourquoi la justice a-t-elle annulé cette surveillance par drone ?

Le recours aux drones pour surveiller les manifestations n'est pas illégal, mais il est strictement encadré. Le tribunal a rappelé qu'une telle mesure, qui constitue une atteinte au droit au respect de la vie privée, ne peut être justifiée que par un risque "réel" de troubles graves à l'ordre public, et seulement si aucun autre moyen moins intrusif n'est possible.

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Or, dans cette affaire, le préfet de la Gironde s'est contenté d'invoquer un "contexte social tendu" de manière générale, sans fournir le moindre élément concret. "Aucun rapport de police ou de données chiffrées précises", a tranché le tribunal, estimant que la préfecture n'avait pas démontré la nécessité de la mesure. L'État a été condamné à verser 1 500 euros au syndicat requérant.

Quel était le contexte de cette manifestation à Bordeaux ?

L’affaire remonte au 9 mai 2023, lors d'une manifestation statique et déclarée contre la réforme des retraites, organisée par le syndicat Sud PTT Gironde sur le parvis des droits de l'Homme à Bordeaux. Un rassemblement qui n'avait réuni qu'environ 200 personnes.

Drone pexels David Mielimonka

Malgré le caractère pacifique et la faible ampleur de l'événement, la préfecture avait autorisé le déploiement de deux drones pour filmer un périmètre de surveillance jugé "absolument fou" par le syndicat, "s'étendant sur toute la zone à l'intérieur des boulevards". C'est cette disproportion évidente que la justice a sanctionnée.

Est-ce un cas isolé en France ?

Non, et c'est ce qui rend cette décision si importante. Elle confirme une tendance de fond de la justice administrative, qui veille de plus en plus scrupuleusement à encadrer l'usage des nouvelles technologies de surveillance. Il y a quelques mois à peine, le tribunal administratif de Paris avait déjà suspendu un arrêté similaire du préfet de police, qui prévoyait la surveillance par drones d’un rassemblement du mouvement GenZ212 devant l'ambassade du Maroc.

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À chaque fois, le raisonnement des juges est le même : l'administration doit apporter des preuves tangibles et circonstanciées d'une menace à l'ordre public, et ne peut pas se contenter d'arguments généraux pour justifier une surveillance de masse. Un rappel à la loi bienvenu à l'heure où les outils de surveillance se multiplient.

Foire Aux Questions (FAQ)

La police a-t-elle le droit d'utiliser des drones pour surveiller les manifestations ?

Oui, la loi autorise l'usage de drones par les forces de l'ordre pour le maintien de l'ordre, mais sous des conditions très strictes. Le préfet doit justifier d'un risque avéré de troubles graves à l'ordre public et démontrer qu'aucun autre moyen moins intrusif n'est disponible. L'autorisation doit être limitée dans le temps et dans l'espace.

Qu'est-ce qu'une "atteinte au droit au respect de la vie privée" ?

C'est le fait de s'immiscer dans la vie privée d'une personne sans son consentement et sans justification légale. Ce droit est protégé par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Le fait de filmer des manifestants avec un drone est considéré comme une telle atteinte, qui doit donc être "nécessaire" et "proportionnée" au but recherché (la sécurité publique).

Qui a porté l'affaire devant la justice ?

C'est le syndicat Sud PTT Gironde, organisateur de la manifestation, qui a déposé un recours devant le tribunal administratif de Bordeaux pour contester l'arrêté du préfet autorisant la surveillance par drones.