Face à la montée des risques liés aux drones et aux récentes incursions russes sur le territoire européen, le projet de « mur anti-drones » suscite débats et interrogations parmi les États membres de l’Union européenne.

Faut-il ériger une nouvelle barrière défensive ou repenser la notion même de sécurité aérienne ? 

Un mur anti-drones, réponse à la menace aérienne ?

La multiplication récente des intrusions de drones russes en Pologne et au Danemark a mis en lumière les failles des systèmes de défense européens. L’OTAN, à la suite d’une incursion d’une vingtaine de drones en Pologne, a été contrainte de mobiliser des missiles coûteux pour neutraliser seulement trois appareils.

Dans ce contexte, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, propose l’idée d’un « mur anti-drones » pour sécuriser la frontière orientale de l’Union.

Cette annonce, relayée devant les eurodéputés, ambitionne de doter l’Europe d’une solution technologique capable de détecter, identifier et intercepter les menaces volantes.

Mais alors que les dirigeants tels qu’Emmanuel Macron appellent à la prudence face à « des termes rapides », le projet rassemble des partisans comme des sceptiques.  Le projet prévoit le déploiement de capteurs terrestres et satellites sur la frontière russo-européenne.

Des discussions publiques émergent sur l'étendue et le pilotage d'un dispositif de cette ampleur à l’échelle du continent. Face à une certaine urgence matérialisée par les incidents récents, la façon de procéder et les coûts associés sont questionnés pour des systèmes qui pourraient vite être dépassés par les avancées techniques rapides dans le domaine des drones.

Le savoir-faire ukrainien, inspiration et limite ?

L’Ukraine, confrontée quotidiennement à la menace des drones, a développé une industrie de capteurs acoustiques et de systèmes antidrones saluée par ses partenaires européens.

Le président Volodymyr Zelensky confirme la volonté de son pays de participer au développement des technologies de protection en Europe. Ce dispositif, mis en œuvre dès le début du conflit, s’avère pragmatique et efficace pour repérer les incursions.

Selon Andrius Kubilius, commissaire européen à la Défense, l’Union européenne pourrait s’inspirer rapidement des méthodes ukrainiennes. Pourtant, certains experts interrogés lors du sommet européen de Copenhague alertent sur le risque d’obsolescence rapide des solutions anti-drones.

Les progrès technologiques rendent fragile tout système figé, appelant à une adaptation permanente. « Nous savons que la technologie évolue si rapidement que nous ne pouvons pas croire qu’une seule solution suffise », rappelle la Première ministre danoise, Mette Frederiksen. Cette réflexion alimente un débat de fond sur la nature évolutive de la menace.

Les États membres face aux enjeux : comment financer et superviser

Le sommet réuni à Copenhague a mis en exergue la diversité des positions des gouvernements européens. L’Allemagne s’interroge sur les coûts, craignant un investissement démesuré alors que la Défense reste une prérogative nationale.

Andrius Kubilius rassure en évoquant « plusieurs milliards d’euros, pas des centaines », mais le financement exact demeure à négocier. Plusieurs questions franches émergent : la pertinence de confier à la Commission européenne le pilotage du projet, l’intégration des pays non frontaliers, ou encore la coordination avec les armées nationales.

Le président estonien Kristen Michal insiste pour éviter la reproduction de la « ligne Maginot » du passé, préférant une stratégie flexible plutôt que figée. La Commission promet une stratégie à « 360 degrés », mais le calendrier de mise en œuvre s’étale sur au moins un an, avant l’élaboration de véritables capacités d’interception.

« Lorsque nous parlons du mur anti-drones, nous parlons de toute l’Europe, pas seulement d’un unique pays », martèle Volodymyr Zelensky, rappelant la solidarité nécessaire face à une menace globale.

Vers un nouveau modèle de défense aérienne pour l’Europe ?

La discussion sur un mur anti-drones s’inscrit dans une réflexion plus large sur la défense du ciel européen. La notion même de mur évolue, passant d’une barrière physique à un ensemble intégré de capteurs, systèmes d’identification et capacités de riposte.

Quelles sont les prochaines étapes pour l’Union européenne ? Au-delà de la question technique, l’enjeu sera d’adapter constamment les moyens à la réalité de la menace, dans un contexte où la guerre hybride et l’innovation bouleversent les règles.

Le prochain sommet européen, prévu fin octobre, promet de prolonger le débat, avec l’objectif de transformer une idée ambitieuse en dispositif opérationnel, en exploitant l'expérience sur le terrain accumulée en Ukraine.