Le secteur spatial européen entre dans une nouvelle dynamique : l’Agence Spatiale Européenne (ESA) vient d’accorder à la firme italienne Avio un contrat de 40 millions d’euros pour développer un démonstrateur de fusée réutilisable sur le modèle du célèbre Starship de SpaceX, en version mini.
Ce projet, signé lors du Congrès International d’Astronautique (IAC) à Sydney, marque une volonté stratégique d’accélérer la transition vers des lanceurs plus compétitifs… et de rattraper le retard sur les États-Unis.
Un investissement majeur pour prendre le virage de la réutilisabilité
L’annonce du contrat entre l’ESA et Avio s’inscrit dans la tendance globale du secteur : les lanceurs réutilisables transforment le marché spatial mondial et il va devenir de plus en plus difficile de s'en passer.
Avec cette enveloppe de 40 millions d’euros étalée sur deux ans, Avio devra livrer une étude complète et un pré-design d’étage supérieur capable d’atteindre l’orbite, revenir sur Terre et repartir en mission.
Le projet consiste à poser les premières pierres technologiques et infrastructurelles pour une démonstration à venir. “Nous pavons la voie pour l’avenir technologique de l’Europe”, a souligné Toni Tolker-Nielsen, chef du transport spatial de l’ESA.
Ce processus de maturation des technologies suit le modèle du développement de la fusée Ariane 6, la grande fusée européenne dont la phase de design préliminaire remontait à 2016.
L’objectif reste de maximiser le retour sur investissement pour l’Europe en lançant une alternative maison à Falcon 9 mais La réussite du projet dépendra de nouveaux financements et du soutien politique après la livraison du dossier en 2027.
Un démonstrateur à la sauce européenne, inspiré par Starship
Avio s’appuiera sur son expérience dans la propulsion liquide (méthane-oxygène) acquise sur le programme Space Rider, ainsi que sur le développement de nouveaux moteurs comme le MR60.
Le design présenté par l’ESA évoque clairement Starship : étage supérieur aérodynamique, volets de retour atmosphérique et montage sur propulseur Vega, dans une optique de modularité et d'optimisation des coûts de vol.
Renforcer l'accès souverain à l'espace
Le choix d’une fusée réutilisable n’est pas qu’un enjeu technique : il s’agit de garantir la souveraineté européenne sur l’accès à l’espace, alors que SpaceX domine le marché par sa capacité à réduire les coûts grâce au retour de ses boosters. Pour le moment, Ariane 6 demeure à usage unique, ce qui pénalise la compétitivité face aux offres américaines.
L’ESA multiplie les efforts pour sécuriser la filière lanceurs sur le long terme. “Nous préparons l’application de la réutilisabilité à long terme, mais aussi des solutions opérationnelles pour nos futures productions Vega”, indique Giorgio Tumino (ESA).
Dans le court terme, l’Europe vise à intégrer des technos innovantes dans la famille Vega, avec en ligne de mire la Vega E et son futur étage cryogénique. La dynamique du projet implique d"innover en propulsion et systèmes de retour.
Des défis techniques et financiers qui persistent
Le programme reste dans sa phase exploratoire. Les spécifications précises du démonstrateur ne sont pas publiées : dimensions, performances, nombre de vols envisagés… Avio devra livrer d’ici deux ans un projet qui tient la route, des solutions techniques au design du véhicule en passant par les infrastructures au sol.
On anticipe déjà la problématique : la réussite du projet dépendra du consensus politique et de la capacité à obtenir des fonds publics pour des phases de développement ultérieures. Les 40 millions investis sont bien inférieurs aux milliards engloutis dans Ariane ou Starship, mais ils symbolisent une prise de position forte.
Pour accompagner la transition, Avio a obtenu l’autorisation de vendre plus librement ses lancements Vega, renforçant ainsi son indépendance vis-à-vis d’Arianespace et diversifiant ses sources de revenus.