L'acquisition de l'allemand Ceconomy par le géant chinois JD.com propulse ce dernier au rang de deuxième actionnaire de Fnac Darty.

Cette opération indirecte, plaçant JD.com juste derrière le milliardaire Daniel Kretinsky, a déclenché une procédure de contrôle par Bercy, qui s'inquiète pour la souveraineté culturelle et la sécurité des données d'un fleuron français.

L'opération s'est jouée loin de Paris, mais ses répercussions frappent au cœur d'une institution française. En rachetant le distributeur allemand de produits électroniques Ceconomy pour plus de 2,2 milliards d'euros, le mastodonte chinois de l'e-commerce JD.com s'est offert, par ricochet, une participation de 21,95 % dans le groupe Fnac Darty.

Cette part, initialement détenue par Artémis, la holding de la famille Pinault, avait été cédée à Ceconomy en 2017. Par ce mouvement purement financier, JD.com, numéro trois de son secteur derrière Alibaba et Pinduoduo, devient le deuxième actionnaire de Fnac Darty par le jeu des participations financières.

Un actionnaire inattendu aux portes de l'institution

Ce nouvel entrant se positionne juste derrière l'homme d'affaires tchèque Daniel Kretinsky, qui contrôle 28,28 % du capital via son véhicule d'investissement Vesa Equity.

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L'irruption de JD.com dans le paysage de la distribution culturelle et technologique française inquiète. Elle illustre la stratégie d'expansion agressive des géants asiatiques en Europe, déterminés à concurrencer l'hégémonie américaine d'Amazon.

Pour Fnac Darty, cette alliance potentielle pourrait ouvrir la voie à des innovations en matière de logistique et d'expérience client, mais elle soulève surtout des questions stratégiques majeures.

Bercy en alerte : quand la culture devient stratégique

La réaction de l'État français n'a pas tardé. Considérant Fnac Darty comme un pilier de la souveraineté culturelle, notamment en tant que premier vendeur de livres du pays, Bercy a immédiatement activé son principal bouclier réglementaire : le contrôle des investissements étrangers en France (IEF).

Bien que l'acquisition ait eu lieu en Allemagne, cette procédure est le seul levier dont dispose Paris pour examiner les intentions de JD.com et exercer une pression.L'entourage du ministre Roland Lescure a confirmé le dépôt du dossier, promettant un examen d'une grande rigueur.

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Les craintes ne portent pas seulement sur une potentielle influence éditoriale, mais aussi sur l'accès aux données de près de deux millions d'abonnés. Le spectre de la loi chinoise sur le renseignement national de 2017, à la portée extraterritoriale, alimente les inquiétudes quant à un possible profilage de masse des consommateurs français.

Kretinsky, l'arbitre silencieux du duel franco-chinois ?

Le dénouement de cette affaire repose en grande partie sur la position de Daniel Kretinsky. Le milliardaire tchèque, désormais principal contrepoids à l'influence chinoise, se retrouve dans un rôle d'arbitre.

Il pourrait choisir de se poser en "chevalier blanc" en renforçant sa participation pour sanctuariser l'ancrage européen de l'enseigne. À l'inverse, il pourrait voir là une opportunité de céder une partie de ses parts à JD.com pour libérer des liquidités, alors qu'il est déjà engagé dans le sauvetage du groupe Casino et a récemment investi dans TotalEnergies.

Pour l'heure, Vesa Equity observe un silence stratégique. Les discussions en coulisses se poursuivent, tandis que la direction de JD.com a assuré à Bercy de son intention de rester un actionnaire passif.

La procédure IEF, qui peut durer jusqu'à trois mois, sera décisive pour savoir si l'État français conditionnera son feu vert à des engagements formels, dessinant ainsi les nouvelles règles du jeu économique et culturel.

Source : La Tribune