La France se positionne favorablement pour une flexibilité conditionnelle concernant l'arrêt des ventes de véhicules thermiques neufs en 2035. Dans une missive stratégique adressée à la Commission européenne, le gouvernement exige la mise en place de mécanismes de préférence locale et un soutien accru à la production sur le vieux continent en échange de cet assouplissement réglementaire.

Le calendrier politique se heurte violemment à la réalité économique. Alors que la date butoir approche, cinq ministres français, dont Roland Lescure et Philippe Tabarot, ont pris la plume le 8 décembre pour définir les lignes rouges de l'Hexagone.

Si la France accepte de discuter des aménagements concernant la fin de vente des voitures thermiques, elle refuse de le faire au détriment de son tissu industriel.

L'enjeu est colossal : il s'agit d'éviter que cet assouplissement ne devienne un cheval de Troie pour les constructeurs étrangers, notamment asiatiques, qui dominent déjà largement la chaîne de valeur de l'électrique.

Un marché de dupes évité par une conditionnalité stricte

La position française se veut équilibrée mais ferme. Les ministres soutiennent l'introduction de « flexibilités ciblées » et une certaine neutralité technologique, mais posent une condition sine qua non à cette ouverture.

Il est impératif que ces ajustements soient couplés à une réglementation favorisant explicitement la préférence européenne. Pour Paris, lâcher du lest sur le calendrier ou les technologies autorisées ne peut s'envisager que si l'Europe protège ses usines et ses emplois face à une concurrence internationale féroce.

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Concrètement, cette protectionnisme assumé repose sur des critères techniques précis. Le gouvernement réclame qu'au moins 75 % de la valeur ajoutée des véhicules bénéficiant de ces flexibilités soit réalisée sur le sol européen.

Cela inclut l'ancrage local de composants stratégiques comme les batteries, les moteurs électriques ou l'électronique de puissance. C'est une manière de dire à Bruxelles : oui à la souplesse, mais uniquement si elle sert les intérêts de notre souveraineté industrielle et non ceux des importations massives.

Le pragmatisme face aux disparités du marché

Cette initiative intervient alors que le secteur automobile traverse une zone de turbulences majeure, marquée par une baisse des volumes et un ralentissement de l'adoption de l'électrique.

Xavier Chardon, directeur général de Citroën, a d'ailleurs appelé à « plus de souplesse » face à un marché qui n'avance pas au rythme des tableurs Excel des régulateurs.

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L'interdiction 2035 reste l'objectif, mais les disparités géographiques sont flagrantes : si la Norvège frôle les 100 % d'électrification, des pays comme l'Italie ou l'Espagne peinent à décoller.

La notion de « neutralité technologique » avancée dans la lettre pourrait ouvrir la porte à des solutions alternatives pour prolonger la vie de certaines motorisations. On pense notamment aux véhicules hybrides rechargeables performants ou à l'utilisation de carburants de synthèse et biocarburants.

L'objectif est de ne pas braquer le consommateur avec des prix prohibitifs tout en laissant le temps aux infrastructures de se déployer, une approche que les industriels qualifient de retour au réalisme économique.

Maintenir le cap sans briser la dynamique électrique

Toutefois, il ne s'agit pas de faire marche arrière toute. La France insiste lourdement sur la nécessité de dévier le moins possible de la trajectoire vers le tout-électrique. Les constructeurs ont déjà engagé des investissements colossaux dans la transformation de leurs outils de production et la construction de « gigafactories » de batteries. Remettre en cause la finalité du processus serait désastreux pour la rentabilité de ces projets et la crédibilité de la filière européenne.

Le message envoyé aux commissaires européens est donc double : sauver le soldat thermique à court terme pour financer la transition, mais verrouiller l'avenir électrique au profit des acteurs locaux.

En accordant un bonus réglementaire aux véhicules vertueux produits en Europe, Paris espère contrer l'offensive chinoise. La décision de Bruxelles, attendue le 16 décembre, dira si l'Union est prête à assumer cette dose de patriotisme économique pour sauver ses emplois industriels.