Le Japon prépare un nouveau géant du calcul haute performance : FugakuNext. Développé par le centre de recherche RIKEN en partenariat avec Nvidia et Fujitsu, ce superordinateur vise à devenir l’un des tout premiers systèmes capables d’atteindre l’ère du zettascale, soit une capacité de calcul mille fois supérieure à l’actuel petascale.
Avec un budget d’environ 750 millions de dollars et une mise en service prévue pour 2029, ce projet marque une étape décisive dans la compétition mondiale pour la puissance de calcul et veut remettre le Japon en tête des supercalculateurs, après avoir longtemps dominé avec Fugaku.
Une architecture pensée pour le zettascale
FugakuNext ne se contente pas d'une augmentation de puissance : il redéfinit la manière dont sont conçus les superordinateurs. Le système combinera des processeurs ARM développés par Fujitsu avec les GPU les plus avancés de Nvidia.
Cette approche hybride vise à équilibrer performances massives et efficacité énergétique, deux fronts sur lesquels les supercalculateurs sont souvent critiqués pour leur consommation colossale.
Supercalculateur Fugaku
L’association ARM + GPU Nvidia n’est pas qu’un choix technique : c’est une réponse directe aux besoins des chercheurs qui explorent des domaines exigeants aux limites des capacités de calcul, en attendant les premiers ordinateurs quantiques.
Ce design modulaire doit aussi offrir la flexibilité nécessaire pour des mises à jour partielles, évitant de dépendre d’une seule architecture pour une durée trop longue.
Des ambitions mondiales pour la recherche
L'institut RIKEN affiche clairement ses ambitions : FugakuNext entend dépasser le rôle de simple machine nationale pour devenir une infrastructure scientifique ouverte aux collaborations internationales.
Comme l’a affirmé l’un des responsables du projet, « ce système vise non seulement à atteindre le zettascale, mais aussi à soutenir la recherche mondiale grâce à des capacités inédites ». Cela inclut des axes aussi divers que :
- l’amélioration des prévisions climatiques et météorologiques,
- la recherche pharmaceutique et la simulation de nouvelles molécules,
- l’intelligence artificielle appliquée à la science et à l’industrie,
- l’astrophysique et la compréhension des phénomènes cosmiques.
Avec son prédécesseur Fugaku, le Japon avait déjà marqué l’histoire du calcul haute performance en décrochant la première place du Top500 en 2020. L’objectif est désormais encore plus ambitieux : franchir le cap symbolique du zettascale et offrir à la recherche une plateforme qui repousse les frontières de ce qui est possible aujourd’hui.
Un projet stratégique face à la compétition internationale
L’arrivée de FugakuNext s’inscrit dans une course où d’autres grands acteurs misent sur des systèmes massifs pour dominer la recherche et l’IA. Les États-Unis, la Chine ou encore l’Union européenne développent leurs propres initiatives en matière de supercalculateurs et ont repris les devants avec des systèmes comme El Capitan, Frontier ou Aurora.
Le pari japonais est donc autant scientifique que géopolitique. En collaborant avec Nvidia, le pays choisit de s’appuyer sur un acteur majeur qui domine déjà le marché des GPU destinés à l’IA et au calcul scientifique avancé.
Cette alliance illustre aussi un choix stratégique clair : plutôt que d’investir dans une indépendance technologique totale, le Japon mise sur une coopération entre expertises locales et innovation américaine. Cet équilibre pourrait accélérer la mise au point du système et renforcer sa compétitivité sur le plan mondial.
Un défi énergétique et écologique
Si FugakuNext promet une puissance inédite, il devra aussi relever un défi décisif : maîtriser sa consommation d’énergie. Les superordinateurs sont réputés pour être extrêmement gourmands, et passer au zettascale implique une hausse exponentielle des besoins énergétiques si aucune optimisation n’est mise en place. RIKEN et ses partenaires affirment travailler sur des systèmes de refroidissement avancés et sur une architecture visant à réduire le rapport énergie/puissance.
Cette dimension n’est pas anodine. L’efficacité énergétique est désormais un critère aussi déterminant que la performance brute, puisque des coûts d’exploitation trop élevés peuvent rendre un projet intenable à long terme. En ce sens, FugakuNext pourrait bien devenir une référence si ses concepteurs parviennent à conjuguer zettascale et durabilité — un équilibre encore jamais atteint.
Vers un nouvel âge de la recherche scientifique
Si tout se déroule comme prévu, FugakuNext pourrait être mis en service avant la fin de la décennie. Sa vocation est d’offrir à la communauté scientifique mondiale un outil sans équivalent, capable d’analyser des ensembles de données gigantesques et d’ouvrir de nouvelles voies dans la connaissance.
Le projet traduit la volonté du Japon de rester en première ligne dans l’innovation scientifique. Et derrière la prouesse technologique, FugakuNext pourrait incarner une nouvelle ère où supercalcul et intelligence artificielle avancée s’entrelacent pour accélérer la compréhension de la réalité.
Reste à voir si le Japon parviendra bien à franchir le cap du zettascale avant ses concurrents. La compétition est ouverte, mais le programme FugakuNext montre déjà qu’il s’agit d’un pari stratégique pour l’avenir de la science autant que pour le positionnement technologique et politique du pays.