Un ruban d'hydrogène gazeux, dont la température dépasse largement celle de la surface solaire, offre aux scientifiques un aperçu de l'avenir de la fusion nucléaire contrôlée. Cette source d'énergie, jusqu'à présent théorique, promet d'être propre et quasi-illimitée, et serait alimentée par une ressource abondante : l'eau de mer (du moins, son deutérium). Ce qui semblait toujours lointain, souvent caricaturé comme étant "toujours à 30 ans d'ici", pourrait bien se concrétiser plus vite que prévu. Les récentes percées en Allemagne, au Royaume-Uni et en France bousculent cette prédiction, repoussant les limites du confinement de plasma et rendant le rêve d'une source d'énergie durable plus tangible que jamais.

Wendelstein- 7-X

Records de confinement plasma : l'Allemagne et le Royaume-Uni en tête de liste ?

La compétition pour maîtriser la fusion s'intensifie. En Allemagne, le Wendelstein 7-X, un réacteur de fusion avancé, a marqué les esprits en mai dernier. Il a réussi à "embouteiller" magnétiquement un plasma surchauffé pendant un record de 43 secondes, une durée inédite pour l'appareil, surpassant de nombreuses fois ses performances antérieures. Parallèlement, des chercheurs britanniques du Joint European Torus (JET), près d'Oxford, avaient réalisé un record encore plus impressionnant juste avant sa mise à la retraite en décembre 2023. Le JET a maintenu un confinement plasma jusqu'à 60 secondes lors de ses ultimes expériences. Ces données, qui sont restées discrètes jusqu'à leur prochaine publication dans une revue scientifique, placent les réacteurs Wendelstein et JET en "co-leaders" dans la quête scientifique visant à faire fonctionner un réacteur à fusion en continu et à des températures extrêmes. Cependant, la subtile insinuation allemande sur le volume de plasma trois fois supérieur du JET ajoute une touche de rivalité à cette collaboration amicale, suggérant que le projet allemand devrait être considéré comme le véritable chef de file, toutes choses étant égales par ailleurs.

Tokamak fusion nucleaire

La France frappe fort avec un record de durée pour WEST Tokamak

Dans cette course mondiale, la France n'est pas en reste, loin de là. Le WEST Tokamak, géré par le CEA, a réalisé une prouesse technique majeure. Le 12 février dernier, une équipe française a annoncé avoir maintenu une réaction plasma durant un temps stupéfiant : 1 337 secondes, soit plus de 22 minutes ! Cette performance, qui pulvérise le précédent record chinois de 1 066 secondes, marque un bond colossal en matière de stabilité du réacteur et de durabilité de ses composants. Comme l'a souligné Anne-Isabelle Etienvre, Directrice de la Recherche Fondamentale au CEA, "ce jalon démontre que nos matériaux et systèmes magnétiques peuvent supporter un stress prolongé, nous rapprochant d'un réacteur commercialement viable". Cette réalisation souligne la précision des bobines magnétiques et l'efficacité des systèmes de refroidissement de pointe, essentiels pour apprivoiser l'enfer stellaire confiné dans l'appareil. Le succès du WEST, bien qu'il ne produira pas directement d'électricité pour nos foyers, fournit des données cruciales pour le projet ITER, la collaboration internationale géante en construction dans le sud de la France.

Pourquoi la fusion nucléaire est-elle l'énergie du futur, bien au-delà de la fission ?

La fusion nucléaire est souvent qualifiée de "Graal" énergétique, et pour cause. Contrairement à la fission nucléaire, processus actuellement utilisé dans les centrales, qui divise les atomes lourds et produit des déchets radioactifs à longue durée de vie, la fusion unit des noyaux atomiques légers. Cette union libère une quantité d'énergie massive, avec un impact environnemental minimal et, surtout, sans risque d'emballement incontrôlé de la réaction. Elle promet une source d'énergie virtuellement illimitée, puisée dans l'eau de mer, une ressource abondante. Ses avantages sont clairs et multiples : absence d'émissions de gaz à effet de serre, un risque d'accident majeur comparable à Tchernobyl quasi inexistant, et une gestion des déchets considérablement simplifiée, car ils sont bien moins radioactifs et leur durée de vie est plus courte. De plus, le combustible est abondant et uniformément réparti sur la Terre, contrairement aux réserves d'uranium pour la fission. C'est une promesse de sécurité énergétique globale et une énergie propre.

ITER fusion nucleaire

Confinement inertiel : la voie laser du NIF vers l'ignition

Parallèlement aux avancées du confinement magnétique, le National Ignition Facility (NIF), près de San Francisco, a emprunté une voie radicalement différente : le confinement inertiel. En 2022, le NIF a marqué l'histoire en réussissant une "ignition" de fusion. Les chercheurs ont bombardé une minuscule pastille de deutérium et de tritium avec des lasers géants, déclenchant une réaction de fusion qui a produit plus d'énergie qu'elle n'en a consommé. Des réplications ultérieures de l'expérience ont même généré encore plus d'énergie. Cette prouesse est un jalon scientifique majeur, marquant la première fois que l'humanité a pu démontrer une réaction de fusion auto-entretenue et contrôlée en laboratoire, un peu comme transformer une allumette en feu de joie, selon la physicienne des plasmas Tammy Ma. Le NIF, avec son système laser le plus puissant du monde, bien qu'il ne soit pas optimisé pour la production d'électricité, prouve la faisabilité du gain net d'énergie pour la fusion.

fusion nucléaire (1)

La fusion : quels défis avant une réalité quotidienne d'ici 2040 ?

Malgré ces percées remarquables, le chemin vers une centrale à fusion opérationnelle et commercialement viable reste semé d'embûches. Les réacteurs à fusion exigent des matériaux capables de supporter un bombardement intense de neutrons sur de longues périodes, des aimants supraconducteurs qui fonctionnent sans faille durant des années, et des réseaux électriques prêts à intégrer des sources d'énergie à production potentiellement variable. La faisabilité économique est également un enjeu majeur : l'électricité générée par fusion pourra-t-elle concurrencer le coût des énergies renouvelables existantes comme l'éolien et le solaire ? Pourtant, la promesse d'une énergie propre, abondante et sûre est irrésistible. L'Agence Internationale de l'Énergie Atomique estime que, si les feuilles de route actuelles sont tenues, la fusion pourrait couvrir jusqu'à 4 % de la production mondiale d'électricité d'ici 2040. Un objectif ambitieux, certes, mais chaque impulsion de plasma nous rapproche de cette réalité, et l'investissement privé croissant dans le domaine témoigne de cette confiance face au changement climatique et à l'augmentation croissante de nos besoins énergétiques.

Foire Aux Questions (FAQ)

Qu'est-ce que la fusion nucléaire ?

La fusion nucléaire est le processus qui alimente le soleil et les étoiles. Elle consiste à fusionner des noyaux atomiques légers, comme le deutérium et le tritium (isotopes de l'hydrogène), pour former un noyau plus lourd, libérant ainsi d'énormes quantités d'énergie.

Quelle est la différence entre fusion et fission nucléaire ?

La fission nucléaire, utilisée dans les centrales actuelles, divise les atomes lourds et produit des déchets radioactifs. La fusion, elle, unit des atomes légers, générant beaucoup plus d'énergie avec des déchets radioactifs beaucoup moins nombreux et moins dangereux, et sans risque d'emballement de la réaction.

Quand pourrait-on voir une centrale à fusion en activité ?

Les estimations varient, mais les experts comme l'ingénieur nucléaire Tony Roulstone estiment que la fusion pourrait être viable dans 15 à 20 ans. Le projet ITER en France vise à produire 10 fois plus d'énergie qu'il n'en consomme d'ici le milieu des années 2030, et certaines entreprises privées espèrent alimenter le réseau électrique dès le début ou le milieu des années 2030.