Si l'énergie nucléaire revient en force dans les discours politiques mais aussi technologiques sous l'effet de des nécessités de la décarbonation industrielle mais aussi de la montée en puissance des intelligences artificielles et des énormes besoins en énergie des centres de données IA, la prochaine évolution se dessine.
Aux actuels réacteurs nucléaires à fission pourront bientôt se substituer des réacteurs à fusion nucléaire plus propres et capables de fournir encore plus d'énergie.
Le principe est celui qui se déroule au coeur des étoiles. Il n'est plus question de casser de gros noyaux atomiques instables mais plutôt de fusionner des petits noyaux pour en donner de plus gros.
Le plasma ultra chaud, l'une des clés de la fusion
L'avantage est que cela peut se faire avec l'hydrogène, très abondant dans l'Univers, avec beaucoup moins de problèmes de déchets radioactifs de très longue durée. Mais pour amorcer la réaction de fusion, il faut parvenir à rapprocher les noyaux atomiques, ce qui demande des températures extrêmes.
Plusieurs approches sont tentés pour y parvenir. Il y a celle des lasers dont les faisceaux se concentrent en un point unique qui sert d'étincelle à la réaction de fusion, testée aux Etats-Unis. Mais la plus étudiée reste celle de la génération d'un plasma ultra chaud confiné et maintenu dans une enceinte magnétique grâce à de puissants aimants.
Les scientifiques du monde entier bataillent pour étendre la durée de maintien de ces plasmas et la Chine a annoncé en début d'année avoir atteint un record avec son tokamak expérimental East en le maintenant durant 1066 secondes, bien plus que les 403 secondes du précédent record de 2023.
Le CEA à la pointe de la stabilisation du plasma
Mais le laboratoire français CEA n'est pas en reste et annonce avoir déjà battu ce temps en réussissant à maintenir un plasma ultra chaud stable durant 1337 secondes (une vraie valeur de geek), soit plus de 22 minutes, au sein du tokamak West installé à Cadarache (Bouches du Rhône).
Tokamak West (Credit : CEA)
Cette valeur, obtenue le 12 février dernier à partir d'un plasma d'hydrogène ayant reçu 2 MW de puissance de chauffage, bat de 25% le temps record obtenu par les équipes chinoises et constitue une nouvelle étape importante de préparation pour le futur démonstrateur Iter, en cours de construction à Cadarache, qui servira de prototype pour les futurs réacteurs nucléaires à fusion de grande puissance.
Le CEA explique qu'il est nécessaire de "maîtriser le plasma, instable par nature, et s'assurer que les composants placés face à lui sont capable de supporter ses rayonnements, sans dysfonctionner ni le polluer".
Un peu plus près de la fusion nucléaire pratique
Et ce nouveau record n'est qu'un point de départ. Le laboratoire français prévoit désormais de tester la stabilité du plasma produit en le maintenant sur des périodes de plusieurs heures cumulées et en le poussant à des températures plus élevées qui le rapprocheront des conditions d'un plasma de fusion capable de lancer la réaction nucléaire attendue.
Plasma à 50 millions de degrés dans le Tokamak West (Credit : CEA)
Plusieurs Tokamaks installés dans divers pays : JET au Royaume-Uni, JT-60SA au Japon, East en Chine et KSTAR en Corée du Sud, travaillent aussi à stabiliser des plasmas ultra chauds pour préparer la fusion nucléaire.
Ce succès met en valeur l'excellence française et européenne. Pour la directrice de la recherche fondamentale du CEA, Anne-Isabelle Etienvre, "cet excellent résultat permet à WEST et à la communauté française de se positionner au premier plan pour préparer l'exploiration d'ITER".