Des chercheurs du MIT ont développé un modèle d'intelligence artificielle capable de prédire le comportement du plasma et de contrôler l'arrêt des réacteurs à fusion de type tokamak.

Cette avancée majeure, testée avec succès en Suisse, pourrait enfin lever l'un des principaux verrous technologiques vers une énergie propre et quasi illimitée.

La fusion nucléaire est depuis des décennies le Saint-Graal de l'énergie. En répliquant les processus qui animent le cœur du Soleil, elle promet une source d'électricité propre, sûre et pratiquement inépuisable.

Pour y parvenir, les scientifiques utilisent des machines en forme d'anneau, les tokamaks, qui confinent un gaz surchauffé à plus de 100 millions de degrés Celsius, le transformant en plasma. Maintenir cette soupe de particules en lévitation grâce à de puissants champs magnétiques reste un défi colossal.

Le talon d'Achille : l'extinction contrôlée du plasma

L'un des problèmes les plus épineux réside dans la gestion du réacteur, et plus particulièrement lors de sa mise à l'arrêt. Cette phase, appelée "ramp-down", consiste à réduire progressivement l'intensité du courant plasmique.

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C'est un exercice d'équilibriste. La moindre perte de contrôle peut provoquer des instabilités violentes, projetant des flux de chaleur extrêmes sur les parois internes du tokamak et causant des dommages coûteux et longs à réparer.

Pour que la fusion devienne une source d'énergie viable pour le réseau électrique, elle doit avant tout être fiable. Or, ces incidents lors de l'extinction du plasma représentent une menace fondamentale pour l'intégrité opérationnelle des futures centrales. Gérer cette phase critique est une obsession pour les physiciens du monde entier.

Quand l'IA s'allie à la physique fondamentale

Pour surmonter cet obstacle, les scientifiques du Plasma Science and Fusion Center (PSFC) du MIT ont développé une approche novatrice. Plutôt que de s'appuyer sur une intelligence artificielle de type "boîte noire", qui aurait nécessité une quantité de données expérimentales phénoménale, ils ont opté pour un modèle hybride. Leur système fusionne un réseau de neurones avec des équations physiques qui décrivent la dynamique fondamentale du plasma.

MIT tokamak fusion nucleaire

Ce modèle a été entraîné et validé à l'aide des données de plusieurs centaines d'expériences menées sur le tokamak expérimental TCV, au Swiss Plasma Center en Suisse.

Le résultat a dépassé les espérances : le système a appris à prédire avec une grande précision l'évolution du plasma dans différents scénarios d'arrêt, et ce, avec un volume de données relativement faible. Une efficacité qui change la donne, chaque test sur un tokamak représentant un coût et des ressources considérables.

Vers une fiabilité à l'échelle industrielle ?

En plus d'améliorer les possibilités de prédiction du comportement du plasma, les chercheurs ont également développé un algorithme capable de traduire les prévisions en "trajectoires" de contrôle concrètes.

Ces instructions permettent aux systèmes du tokamak d'ajuster en temps réel les champs magnétiques et le chauffage pour garantir une extinction douce et sécurisée.

Lors des tests en conditions réelles, le modèle prédictif a permis de réaliser des arrêts plus rapides et sans incidents par rapport aux procédures standards.

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Cette maîtrise proactive du ramp-down est une étape cruciale. Elle est essentielle pour des projets ambitieux comme SPARC, le réacteur développé par Commonwealth Fusion Systems (une spin-off du MIT) qui vise à produire plus d'énergie qu'il n'en consomme. En minimisant les risques de dommages et les temps d'arrêt, cette technologie rend l'exploitation commerciale de la fusion un peu moins lointaine.

Le chemin vers une centrale à fusion nucléaire connectée au réseau est encore long, mais ce verrou technologique et sécuritaire qui vient d'être desserré injecte une dose d'optimisme tangible dans toute la communauté scientifique.

Source : MIT