Le rêve de la fusion nucléaire domestiquée n'est plus très loin mais il se confronte encore aux défis techniques. Si l'on a des idées pour amorcer la réaction nucléaire qui fusionnera de petits atomes en plus gros (au contraire de la fission nucléaire des centrales),il faut encore trouver les matériaux capables de supporter les conditions extrêmes de fonctionnement et qui permettront de construire les premières centrales à fusion commerciales.

Derrière les promesses d’une énergie inépuisable et propre, un défi semblait jusque-là insurmontable : développer un matériau capable de résister simultanément à des températures proches du zéro absolu et à la force dévastatrice des champs magnétiques nécessaires pour confiner le plasma de fusion.

Récemment, la Chine a levé ce verrou technologique avec la conception du super acier CHSN01 (China High Strength Low Temperature Steel N°1) qui sera utilisé dans le tout premier réacteur à fusion opérationnel du pays. 

Pourquoi la fusion nucléaire impose de réinventer l’acier

Pour comprendre la prouesse chinoise, il faut revenir au point bloquant : au cœur des tokamaks, ces grands anneaux métalliques servant à la réaction nucléaire par confinement magnétique, se trouvent des aimants supraconducteurs qui opèrent à des températures de l’ordre de -269°C.

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À ces températures extrêmes, la plupart des aciers deviennent cassants, incapables d’absorber la moindre déformation sans rompre. Parallèlement, ces matériaux subissent des forces magnétiques immenses, pouvant dépasser les 20 Tesla.

Observant que les matériaux utilisés pour le projet ITER, prototype de réacteur à fusion, avaient des limites associées à sa nature expérimentale et pas forcément adaptées à l'usage commercial, les chercheurs chinois ont exploré des pistes pour développer des matériaux encore plus résistants, rapporte le South Morning China Post.

CHSN01 : l’aboutissement d’une décennie de recherche collaborative

Comme souvent dans la science, la percée n’est pas le fruit d’un individu isolé mais d’une collaboration nationale. et un consortium d'entreprises a travaillé à un nouvel alliage répondant aux exigences de la fusion nucléaire industrielle. 

En ajoutant du vanadium et en jouant sur le ratio carbone-azote, les chercheurs sont arrivés à l'alliage CHSN01 capable de résister à des contraintes extrêmes sans perdre ses qualités.

Vers un nouveau standard mondial pour l’industrie énergétique

La confirmation de ces résultats conduit à l’intégration immédiate de CHSN01 dans le projet BEST (Burning Plasma Experimental Superconducting Tokamak), considéré comme l’un des premiers réacteurs à fusion destinés à la production électrique réelle. Il est construit à Hefei (province de Anhui) et est destiné à entrer en service en 2027.

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Sur les 6 000 tonnes de composants du réacteur en assemblage depuis mai 2023, pas moins de 500 tonnes de gaines pour conducteurs supraconducteurs proviennent du nouvel acier, indique encore le média chinois.

La stratégie du pays est claire : « Développer une nouvelle génération d’acier cryogénique n’est plus un choix mais une nécessité pour l’avenir de la fusion compacte en Chine », déclarait récemment un expert du consortium.

Ce tournant bénéficie aussi à d’autres secteurs de pointe. Alors que la fusion n’en est qu’à ses balbutiements, l’alliage CHSN01 pourrait se retrouver au cœur d’applications comme les résonateurs magnétiques ou l’aéronautique, où tolérance au froid et résistance sont primordiales.