La disparition des glaciers n'est pas un nouveau phénomène, mais sa cadence s'accélère de manière vertigineuse. Si les scientifiques se sont longtemps concentrés sur le volume total de glace perdue, une récente recherche menée par des glaciologues suisses change de perspective.

L'étude, publiée dans la revue Nature Climate Change, s'attache à un indicateur plus concret : le nombre d'entités glaciaires individuelles condamnées à disparaître, un concept qu'ils nomment le "pic d'extinction des glaciers".

Cette approche révèle avec une acuité nouvelle les impacts imminents et très localisés de cette crise planétaire.

Un pic d'extinction programmé pour le milieu du siècle

Les modèles développés par les chercheurs de l'ETH Zurich analysent plusieurs scénarios de réchauffement pour déterminer à quel moment le plus grand nombre de glaciers disparaîtront chaque année.

Les conclusions sont brutales. Même dans l'hypothèse la plus optimiste d'un réchauffement limité à 1,5°C, conformément à l'Accord de Paris, le taux de perte atteindra un pic vers 2041, avec environ 2 000 glaciers s'évanouissant annuellement.

fonte glaciers prévisions ETH Zurich

Rythme de fonte des glaciers dans le monde

Malheureusement, le monde suit actuellement une trajectoire de 2,7°C. Dans ce cadre, le pic d'extinction sera bien plus intense et s'étalera sur une plus longue période. Entre 2040 et 2060, près de 3 000 glaciers pourraient disparaître chaque année à cause du changement climatique.

Dans le scénario du pire, une hausse de 4°C, ce chiffre grimperait à 4 000 par an au milieu des années 2050, soit trois à cinq fois le rythme actuel.

Des conséquences bien au-delà de la simple fonte

La perte de chaque glacier, même les plus petits, engendre des conséquences locales significatives. Ces géants de glace sont des sources vitales d'eau douce qui alimentent des bassins fluviaux dont dépendent près de deux milliards de personnes, notamment dans les régions proches de l'Himalaya.

Arctique

Leur disparition met en péril l'irrigation agricole et l'approvisionnement en eau potable de vastes populations. Au-delà de l'enjeu hydrique, la fonte des glaces frappe directement des pans entiers de l'activité humaine.

Les glaciers sont des piliers des économies locales, attirant des millions de touristes et soutenant l'industrie du ski. Comme le souligne Matthias Huss, co-auteur de l'étude, ils possèdent également une profonde importance culturelle et symbolique, leur agonie marquant les esprits bien plus qu'un simple chiffre de température.

Une géographie inégale face à la disparition

L'étude démontre une géographie inégale face à cette hécatombe. Les régions où dominent les glaciers de plus petite taille, comme les Alpes européennes, certaines parties des Andes ou l'ouest du Canada, seront les premières et les plus durement touchées. Plus de la moitié de leurs glaciers devraient disparaître au cours des deux prochaines décennies, avec un pic d'extinction précoce attendu autour de 2040.

À l'inverse, les régions abritant les plus grands corps glaciaires, comme le Groenland ou la périphérie de l'Antarctique, connaîtront leur pic de disparition plus tard dans le siècle.

Ce délai n'est cependant pas un signe de résilience, mais simplement le reflet de leur taille massive qui requiert plus de temps pour fondre. La conclusion reste implacable : sans une politique climatique ambitieuse, seule une infime fraction des glaciers actuels subsistera en 2100, laissant une cicatrice indélébile sur notre planète.