La suprématie quantique est ce point d'inflexion via lequel un système quantique pourra résoudre dans un temps raisonnable (quelques secondes, minutes ou mois) un problème qui demanderait un temps extrêmement long à un système informatique traditionnel.

Théoriquement, cela demande de disposer d'un processeur quantique doté d'un certain nombre de qubits, les unités élémentaires de calcul, mais aussi d'avoir une maîtrise telle du système quantique qu'il est possible de le stabiliser pour en abaisser le taux d'erreur à un niveau suffisant pour obtenir un résultat fiable.

Google Willow puce quantique 105 qubits

Les qubits physiques sont très sensibles aux conditions extérieures et leur état d'intrication peut être très facilement perturbé, polluant le résultat. La première phase des travaux sur les systèmes quantiques ont porté sur l'augmentation du nombre de qubits mais la capacité à réduire le taux d'erreur est le réglage ultime pour déverrouiller totalement leurs capacités.

Deux avancées majeures avec Willow

Google, l'un des grands acteurs développant des systèmes quantiques avait cru atteindre cette suprématie quantique avec un processeur quantique Bristlecone de 72 qubits en 2019 mais cette problématique du taux d'erreur n'avait pas été suffisamment maîtrisée.

Cette fois, avec sa nouvelle puce quantique Willow de 105 qubits, la firme de Mountain View pense avoir atteint le Graal dans le domaine grâce à deux avancées majeures :

  • Le système quantique est capable de réduire son taux d'erreur de façon exponentielle à mesure que l'on augmente son nombre de qubits (c'était l'inverse jusqu'à présent)
  • La puce Willow a traité en cinq minutes un problème qui demanderait 10 quadrillions d'années (1025 années) à un système informatique traditionnel, soit plus que l'âge de l'Univers.

Jusqu'à présent, plus on avait de qubits au système quantique et plus le taux d'erreur augmentait, rendant rapidement les résultats produits complètement biaisés. Depuis des années, les chercheurs travaillent sur cette limitation et l'une des voies d'exploration a été de composer des groupes de qubits physiques pour constituer des qubits logiques plus stables.

Google indique avoir testé des grilles de 3x3 qubits, puis 5x5 et enfin 7x7 et avoir obtenu au fil des expérimentations une réduction exponentielle du taux d'erreur, validant le système de correction d'erreur quantique et avec une correction en temps réel grâce à une durée de vie plus longue des qubits logiques par rapport aux qubits physiques isolés.

Résoudre en cinq minutes ce qui demanderait des milliards de milliards d'années

L'autre avancée permise par la puce quantique Willow est donc d'être parvenue à résoudre rapidement un problème nécessitant un temps quasiment infini pour l'informatique classique.

Google a utilisé le benchmark RCS (Random Circuit Sampling) qui permet de vérifier si un ordinateur quantique peut traiter un problème non gérable avec les moyens traditionnels.

Google Willow processeur quantique performance

La puce Willow a donc résolu le problème en l'espace de cinq minutes quand cela demanderait un temps supérieur à l'âge de l'Univers pour être traité. Google indique qu'un tel résutat "apporte du crédit à la notion que le calcul quantique se déroule dans de nombreux univers parallèle, en phase avec l'idée que nous vivons dans un multivers" !

Google Willow processeur quantique calcul

Certes, la détermination du chiffre de 10 quadrillions d'années est elle-même une spéculation à partir des progrès potentiels de l'informatique traditionnelle mais il semble pour Google que son système quantique est désormais en capacité d'affirmer une forme de suprématie.

Rappelons que cela n'est pas pour autant que les ordinateurs quantiques remplaceront nos bons vieux PC. Ils sont conçus pour résoudre des problèmes très spécifiques mais restent bien moins efficaces pour traiter des questions d'informatique courante.

La prochaine étape pour Willow est d'ailleurs de parvenir à résoudre un problème offrant une application concrète et réelle, et non un cas théorique issu d'un benchmark.

La véritable avancée décisive (qui pourra complètement valider le principe de la suprématie quantique) serait de parvenir à obtenir un résultat pratique en calcul quantique hors de portée de toute capacité de calcul standard, même du meilleur supercalculateur, actuel et à venir.