Face à la multiplication des menaces russes et chinoises, Berlin annonce un plan de 35 milliards d’euros s’étendant jusqu’à 2030, visant à transformer sa posture orbitale et à s’imposer sur ce nouvel échiquier géopolitique. 

Face à l'intensification d'une guerre hybride avec la Russie, faite de provocations (survol d'espaces aériens, drones) et de sabotages supposés (rupture de câbles sous-marins en Mer Baltique), l'Allemagne veut renforcer ses capacités dans le spatial qui apparaît comme la prochaine zone de conflit stratégique.

Un plan stratégique contre la menace orbitale

C’est dans un contexte de tension grandissante que le ministre de la Défense, Boris Pistorius, a détaillé la menace : « Le comportement de la Russie, en particulier dans l’espace, constitue une menace fondamentale pour nous tous. C’est une menace que nous ne pouvons plus ignorer. »

Moscou et Pékin, via la multiplication de satellites de reconnaissance, cherchent à perturber, espionner et potentiellement neutraliser des satellites occidentaux. On recense désormais 39 satellites russes et chinois survolant l’Europe, capables de transmettre des images et des données stratégiques en temps réel.

Satellite crash

Une réalité qui place l’Allemagne face à la nécessité d’agir pour préserver sa souveraineté militaire, économique et numérique. On connaît par exemple les satellites russes Luch-Olymp, capables de se rapprocher d'autres satellites en attendant peut-être de pouvoir les neutraliser, qui surveillent activement les communications stratégiques allemandes.

La course à l’armement menée par les grandes puissances ne se limite plus à la Terre mais s’étend désormais dans l’espace, secteur historiquement associé à la coopération internationale : Berlin prend position.

Vers une architecture spatiale résiliente et redondante

Au cœur du projet allemand se trouve la modernisation des réseaux satellitaires. Boris Pistorius estime que « les réseaux satellitaires sont aujourd’hui le talon d’Achille des sociétés modernes. Quiconque les attaque paralyse des nations entières. »

Terre reseau communication satellite

Pour pallier cette vulnérabilité, l’Allemagne ambitionne de développer des constellations de satellites redondantes et interconnectées. Ces nouvelles infrastructures permettront la continuité des communications, la navigation sécurisée et la transmission de données même en cas de brouillage ou d’attaque.

Cela passe par le déploiement de satellites gardiens, capables de protéger les actifs stratégiques et l"intégration d’outils de surveillance avancés : radars, télescopes et systèmes de suivi orbital.

En étoffant sa capacité à détecter toute activité suspecte et à garantir la sécurité de son espace, Berlin veut créer un mur défensif efficace, et participer ainsi à l’édification d’une coordination OTAN robuste sur ce secteur.

Une ambition offensive qui bouleverse la doctrine allemande

L’un des points les plus novateurs de ce plan est l’exploration de capacités offensives spatiales. Longtemps caractérisée par la prudence militaire, l’Allemagne envisage désormais « d’être en mesure de dissuader dans l’espace afin de se défendre. »

Cette transition marque un virage stratégique risqué mais assumé. Les options seraient vastes : brouilleurs de satellites adverses, armes à énergie dirigée, et autres moyens de neutralisation électronique.

Le ministre Pistorius insiste sur la notion de dissuasion. Selon lui, « sans une capacité de riposte, la défense spatiale resterait incomplète ». Ce choix crée des débats au sein des partenaires européens, mais reflète la nécessité de s’adapter à l’évolution des conflits modernes.

Des retombées technologiques et industrielles majeures

Les 35 milliards d’euros engagés profiteront directement au tissu industriel et technologique national, avec des partenaires identifiés tels que Rheinmetall. La création d’un centre de commandement spatial pour la Bundeswehr et le renforcement des capacités duales (civiles et militaires) favorisent une synergie entre défense nationale et développement industriel.

La lutte contre le brouillage, la protection face aux cyberattaques et la résilience des infrastructures devront s’appuyer sur l’innovation et la coopération avec les autres puissances occidentales.

Ce plan spatial s’inscrit dans une dynamique globale de modernisation militaire, amorcée après l’invasion de l’Ukraine. Désormais, l’espace devient un axe central, au croisement de la technologie, de la sécurité et de l’anticipation stratégique.