Alors que la propriété intellectuelle sert désormais autant à se protéger qu'à attaquer la concurrence, la guerre des brevets s'est régulièrement déplacée sur le terrain de la renégociation des droits de licence concernant des brevets utilisés dans les standards technologiques internationaux, et ce malgré un cadre FRAND (Fair, Reasonable and Non Discriminatory) qui se voit plus en plus souvent débordé.

L'IEEE (Institute of Electrical and Electronics Engineers), qui supervise la création des standards technologiques, a donc réfléchi à une modification des règles du jeu qui vise à réduire le pouvoir et la pression des détenteurs de brevets.

La réflexion est d'importance car de nombreuses multinationales ont développé une activité de gestion des droits de licence qui génère une part très significative de leurs revenus.

Si l'IEEE veut réduire une pression qui peut conduire à écraser la concurrence sous des droits de licence afin de l'empêcher de se développer, ces grands groupes font valoir que les montants générés par les brevets sont vitaux pour alimenter leur propre innovation.

L'IEEE a cependant le soutien du Department of Justice américain et affirme que sa proposition de réduire le pouvoir des détenteurs de brevets est le fruit d'une étude rigoureuse des pratiques de ses membres. Derrière ces décisions se joue peut-être le paysage de l'industrie mobile pour la 5G.

Le Wall Street Journal suggère que certains groupes comme Intel cherchent à éviter le maintien d'une situation qui a vu Qualcomm se poser en détenteur tout-puissant des brevets sur la 3G et la 4G, devenant un passage obligé et laissant peu de marge de négociation.

De fait, de nombreux détenteurs de brevets "essentiels" (qui ne peuvent être contournés par d'autres brevets) ont tenté de renégocier leurs droits de licence, malgré la promesse de rester dans un cadre FRAND. Ce dernier n'étant pas précisément défini, il laisse en effet la porte ouverte à toutes les interprétations.

Dans ses nouvelles règles, l'IEEE propose par exemple que les droits de licence correspondent à un pourcentage du prix du composant concerné, et non du prix de l'ensemble de l'appareil (un quart du prix d'un terminal mobile serait consacré aux droits de licence). Une disposition qui ne convient pas aux détenteurs de brevets comme Qualcomm ou Ericsson qui estiment que leur innovation s'étend au-delà du seul composant.

Les opposants à ces changements mettent aussi en avant le retard qu'ils risquent d'entraîner dans la définition des standards 5G et les problèmes antitrust qu'ils pourraient faire émerger. Mais pour l'IEEE, ces modifications des règles du jeu seront bénéfiques pour le fonctionnement du marché et pour les consommateurs.