Comment un peuple de l'âge de pierre a-t-il pu déplacer des monolithes de plusieurs tonnes sur des kilomètres ? C'est l'une des plus grandes énigmes de l'archéologie.
Pendant des décennies, les théories les plus folles ont circulé sur le transport des célèbres statues Moai de l'Île de Pâques (Rapa Nui). Mais aujourd'hui, la science vient de trancher, et la réponse était sous nos yeux depuis le début, cachée dans les légendes locales : les statues ont marché.
Comment les scientifiques ont-ils prouvé cette théorie ?
L'exploit a été réalisé par une équipe de chercheurs menée par les anthropologues Carl Lipo et Terry Hunt. Plutôt que de spéculer, ils ont adopté une approche multidisciplinaire. En analysant près de 1 000 statues, ils ont d'abord utilisé la modélisation 3D pour comprendre leur conception unique. Puis, ils sont passés à la pratique.
Grâce à une réplique en béton de 4,35 tonnes, ils ont démontré qu'avec seulement 18 personnes et trois cordes, il était possible de faire "marcher" la statue. Par un mouvement de balancier savamment orchestré, l'équipe a réussi à déplacer le colosse de 100 mètres en à peine 40 minutes. Une méthode simple, efficace, et surtout, économe en ressources.
La forme des statues était-elle la clé du mystère ?
Absolument. L'analyse des statues retrouvées inachevées le long des anciennes routes a révélé qu'elles n'étaient pas sculptées au hasard. Elles possédaient toutes des caractéristiques spécifiques destinées à faciliter leur transport debout : une large base en forme de "D" et une inclinaison générale vers l'avant, qui plaçait leur centre de gravité de manière optimale pour un mouvement de bascule.
Cette conception ingénieuse permettait à la statue de pivoter d'un côté à l'autre dans un mouvement de dandinement, avançant pas à pas à chaque traction de corde. C'est un véritable exploit d'ingénierie qui montre l'intelligence et la parfaite compréhension des lois de la physique par le peuple Rapa Nui.
Quel était le rôle des anciennes routes de l'île ?
L'étude a également révélé que les routes de l'île n'étaient pas de simples chemins. Leur profil particulier, large de 4,5 mètres et de forme concave (en "U"), était en réalité un élément crucial du système de transport. Cette forme permettait de stabiliser les statues pendant leur "marche" en zigzag, les empêchant de basculer trop violemment sur les côtés.
Les archéologues ont découvert des réseaux de routes parallèles et superposées, suggérant que le peuple de Rapa Nui défrichait un nouveau tronçon de chemin à chaque étape du transport. La route faisait donc partie intégrante de l'outil de déplacement, au même titre que les cordes et les statues elles-mêmes.
Foire Aux Questions (FAQ)
Cette théorie de la "marche" est-elle nouvelle ?
Non, l'idée elle-même n'est pas nouvelle et s'appuie sur les traditions orales des habitants de l'île qui ont toujours affirmé que les statues "marchaient" jusqu'à leurs plateformes cérémonielles. Ce qui est nouveau, c'est la validation scientifique rigoureuse de cette tradition grâce à la physique, la modélisation 3D et l'expérimentation sur une réplique à grande échelle.
Qu'advient-il des autres théories, comme celle des rondins de bois ?
La théorie des statues traînées à l'horizontale sur des rouleaux de bois est largement discréditée par cette nouvelle étude. Non seulement elle aurait nécessité une déforestation massive de l'île (ce qui est contesté), mais elle n'explique pas la forme si particulière des statues retrouvées sur les routes. La méthode de la marche, bien plus économe en bois et en main-d'œuvre, est désormais considérée comme la plus plausible.
Pourquoi certaines statues sont-elles tombées en chemin ?
L'étude a montré que la plupart des statues cassées ou abandonnées se trouvent près de la carrière où elles étaient taillées. Cette répartition suit une courbe de "défaillance mécanique", typique d'un processus de transport où les accidents sont plus probables au début. Une statue qui tombait était probablement trop lourde et difficile à relever, et donc abandonnée sur place.