Imaginez qu'on vous donne un objet imprimé en 3D. Seriez-vous capable de dire, juste en le regardant, quelle machine l'a fabriqué ? Sûrement pas. Et pourtant ! Des chercheurs de l'Université de l'Illinois Urbana-Champaign, sous la houlette du professeur Bill King, viennent de nous apprendre un truc assez fou : chaque imprimante 3D, même si elle est la jumelle d'une autre, laisse une signature bien à elle sur les pièces qu'elle produit. Une sorte d' "empreinte digitale" mécanique. Et pour couronner le tout, ils ont créé une intelligence artificielle capable de lire ces empreintes et de dire avec une précision dingue : "C'est CETTE machine-là qui a fait CETTE pièce !"

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Chaque imprimante 3D a sa propre signature, même les modèles identiques

L'équipe du professeur King, du Grainger College of Engineering, a été la première surprise par ses découvertes. “Nous sommes toujours étonnés que cela fonctionne,” a avoué Bill King. “Nous pouvons imprimer le même design de pièce sur deux machines identiques – même modèle, mêmes paramètres, même matériau – et chaque machine laisse une empreinte unique que le modèle IA peut retracer jusqu'à la machine.” Pensez-y : deux imprimantes sorties du même moule, réglées de façon identique, sortiront des objets qui se ressemblent comme deux gouttes d'eau, mais qui porteront chacun la petite marque secrète de leur machine d'origine. C'est cette révélation qui a poussé les chercheurs à développer un système d'intelligence artificielle spécialement entraîné pour repérer ces signatures. Pour apprendre à son IA, l'équipe a utilisé une montagne de photos : 9 192 clichés de pièces. Ces pièces venaient de 21 machines différentes, issues de six fabricants et utilisant quatre procédés de fabrication distincts. Le résultat ? L'IA a réussi à identifier la machine source avec 98% de précision, simplement en analysant une image d'un tout petit millimètre carré de la surface de la pièce. D'après le professeur King, l'IA pourrait même devenir super fiable après avoir "vu" seulement une dizaine de pièces d'une même imprimante. Ces “empreintes de fabrication se cachaient à la vue de tous,” dit-il, en rappelant que des millions de pièces imprimées en 3D sont utilisées partout, dans nos avions, nos voitures, les appareils médicaux, etc., et chacune porte cette signature.

Identification imprimante 3D

Des applications qui pourraient tout changer pour l'industrie et la traçabilité

Savoir d'où vient exactement une pièce imprimée en 3D, ce n'est pas juste une curiosité scientifique. Cela ouvre des portes énormes, surtout pour l'industrie. “Il est possible de déterminer exactement où et comment quelque chose a été fabriqué. Vous n'avez pas à croire votre fournisseur sur parole,” explique Bill King. Et c'est vrai que dans nos chaînes d'approvisionnement mondialisées, où la confiance est souvent la règle, cette technologie pourrait apporter un contrôle qualité jamais vu. Les fabricants pourraient enfin vérifier si leurs sous-traitants jouent bien le jeu en utilisant les bonnes machines et les bons procédés. Surtout, ils pourraient repérer très tôt des soucis de production ou des changements non autorisés qui risqueraient de dégrader la qualité des produits finis. Fini les mauvaises surprises découvertes quand il est trop tard ! Imaginez un peu : vous trouvez une pièce défectueuse, vous la scannez, et hop, vous savez immédiatement quelle machine sur la chaîne de production a un problème. C'est un gain de temps et d'argent colossal. Mais ça ne s'arrête pas là. Cette "empreinte digitale" des imprimantes 3D pourrait aussi devenir un outil redoutable pour suivre à la trace des objets, et notamment pour lutter contre la contrefaçon ou pour identifier l'origine de pièces utilisées pour des activités illégales. De quoi donner du fil à retordre à certains et des outils précieux aux enquêteurs.

Impression 3D

Mais comment ça marche, au juste ? Et après ?

Alors, quel est le secret de cette signature unique ? L'équipe de Bill King a remarqué que les toutes petites variations dans les dimensions des pièces, ce qu'on appelle les "tolérances" de fabrication, étaient en fait liées à chaque machine. Ce sont ces micro-défauts, ces petites imperfections invisibles à l'œil nu mais propres à chaque appareil (à cause de l'usure, du calibrage, etc.), qui créent cette fameuse signature. Et c'est ça que l'intelligence artificielle a appris à reconnaître avec une telle finesse. Tous les détails de ces travaux ont été publiés dans la sérieuse revue scientifique *npj Advanced Manufacturing*. Même si la technologie est déjà super performante, les chercheurs de l'Université de l'Illinois ne comptent pas s'arrêter là. Ils pensent pouvoir encore améliorer la précision de leur IA, peut-être en lui donnant une plus grande surface à analyser sur les pièces. Cette avancée nous montre encore une fois à quel point l'intelligence artificielle peut nous aider à voir des choses qui nous échappaient totalement, avec des applications qui pourraient toucher des tas de secteurs qui utilisent l'impression 3D, de l'aéronautique à l'automobile, en passant par la médecine et nos objets du quotidien.
Une chose est à relativiser néanmoins dans cette découverte : les variations de la qualité de production au fil du temps. Les imprimantes 3D nécessitent des réglages (ajuster les paramètres d'impression, changer des courroies ou les retendre, changer des moteurs, ou même changer de filament avec une composition ayant de nouveaux marqueurs...) Difficile ainsi d'envisager pouvoir continuer à traquer des machines qui subiraient des changements matériels réguliers, mais dans le cadre d'un suivi de parc d'impression, l'étude pourrait effectivement se révéler intéressante, avec une mise à jour de la base de données des IA au fil du temps.