L'analyse d'un mystérieux "petit point rouge" par le télescope James Webb suggère l'existence d'une nouvelle classe d'objet : l'étoile à trou noir. Cette hypothèse pourrait non seulement expliquer ces anomalies cosmiques, mais aussi élucider l'origine des trous noirs supermassifs dans l'univers jeune.

Les observations via le télescope spatial James Webb (JWST) ont ouvert une fenêtre inédite sur les premiers âges de l'univers. Dans ses clichés profonds, les astronomes ont rapidement identifié des objets déroutants : des "petits points rouges" (LRDs), semblant bien trop massifs et évolués pour une époque si précoce.

Leur existence même ne trouvait pas de place dans notre compréhension de la formation des galaxies, signe qu'il s'agit soit d'un artefact soit d'un phénomène encore inconnu.

Des galaxies "impossibles" qui défient les modèles

Le cœur du problème réside dans leur signature lumineuse. Beaucoup de ces points rouges présentent un saut de Balmer très prononcé avec une cassure nette dans leur spectre de raies.

Cette caractéristique est normalement associée à des galaxies plus anciennes, où les étoiles les plus massives et les plus chaudes ont déjà disparu, laissant la place à une population stellaire plus âgée. Or, observer un tel signal à peine 600 millions d'années après le Big Bang relevait du véritable casse-tête cosmologique.

Cela suggérait des galaxies ayant vieilli à une vitesse irréaliste, ce qui leur a rapidement valu le surnom de "briseurs d'univers". L'implacable réalité observationnelle se heurtait aux modèles théoriques.

"The Cliff" : le cas extrême qui change la donne

Une équipe dirigée par l'astrophysicienne Anna de Graaff de l'Institut Max Planck pour l'astronomie s'est penchée sur un cas particulièrement extrême, surnommé "The Cliff" en raison de la brutalité de son saut de Balmer.

Les modèles existants, qu'il s'agisse de galaxies ultracompactes en pleine formation d'étoiles ou de noyaux galactiques actifs classiques, ne parvenaient tout simplement pas à reproduire un spectre aussi singulier.

Face à cette impasse, les chercheurs ont dû repartir d'une feuille blanche. Ils ont alors exploré une idée radicale : et si l'objet observé n'était pas une galaxie peuplée de milliards d'étoiles, mais un astre unique d'un tout nouveau genre ?

L'hypothèse de l'étoile à trou noir

Le modèle proposé est celui de l'"étoile à trou noir". Il ne s'agit pas d'une étoile au sens classique du terme, dont l'énergie provient de la fusion nucléaire en son cœur.

L'objet serait plutôt un trou noir en pleine croissance, accrétant de la matière si voracement qu'il surchauffe une épaisse et dense enveloppe de gaz d'hydrogène qui l'entoure.

Représentation d'une "étoile à trou noir"

Ce cocon gazeux et turbulent se mettrait alors à briller intensément, imitant l'apparence d'une étoile gigantesque mais paradoxalement très froide. Cette structure unique permettrait de reproduire à la perfection le spectre observé de "The Cliff".

Au-delà de la simple explication des points rouges, cette hypothèse, si elle est confirmée, pourrait être la pièce manquante d'un autre grand puzzle astronomique.

Ces objets pourraient représenter la phase embryonnaire des trous noirs supermassifs qui trônent aujourd'hui au centre de la plupart des galaxies, y compris la nôtre.

Leur existence offrirait enfin une explication plausible à leur croissance fulgurante dans l'univers jeune. L'enquête ne fait que commencer, et le JWST sera à nouveau mis à contribution pour scruter d'autres candidats et déterminer si cette phase est un feu de paille cosmique ou un chaînon manquant fondamental de notre histoire.