C'est un symbole puissant. Quinze ans après le désastre qui avait gelé son programme atomique, le pays du Soleil-Levant appuie de nouveau sur l'accélérateur. La préfecture de Niigata a donné son feu vert au redémarrage partiel de Kashiwazaki-Kariwa, la plus grande centrale nucléaire de la planète. L'opérateur, TEPCO, le même qu'à Fukushima, prévoit de réactiver un premier réacteur dès le 20 janvier, une décision qui divise profondément le pays.

Pourquoi ce revirement après le traumatisme de Fukushima ?

Le traumatisme est profond. La triple fusion de 2011, déclenchée par un séisme et un tsunami dévastateurs, a brisé la confiance du public et mis à l'arrêt les 54 réacteurs du pays. Depuis, le Japon a dû se tourner massivement vers les combustibles fossiles importés, comme le gaz naturel liquéfié et le charbon, pour maintenir ses lumières allumées.

Cette dépendance énergétique a coûté au pays 10,7 billions de yens (environ 68 milliards de dollars) rien que l'an dernier. Face à cette pression économique et à ses engagements climatiques pour atteindre la neutralité carbone en 2050, le gouvernement de la Première ministre Sanae Takaichi voit dans le retour au nucléaire une solution pour regagner sa sécurité énergétique et maîtriser les coûts.

La population est-elle prête à faire de nouveau confiance ?

La réponse est loin d'être unanime. Lundi, près de 300 manifestants se sont rassemblés pour s'opposer au vote, brandissant des pancartes "Non au nucléaire". Parmi eux, Ayako Oga, une agricultrice de 52 ans, réfugiée de la région de Fukushima. "Nous connaissons de première main le risque d'un accident nucléaire et ne pouvons l'ignorer", a-t-elle confié, évoquant un stress post-traumatique toujours présent.

Ce sentiment est largement partagé. Un sondage réalisé en octobre dans la préfecture de Niigata a révélé que 60 % des habitants estimaient que les conditions pour un redémarrage n'étaient pas réunies. Pire, 70 % se disent inquiets de voir TEPCO, l'opérateur de la centrale maudite, aux commandes. L'entreprise assure pourtant avoir tiré les "leçons du passé" et investi massivement dans des mesures de sécurité renforcées, comme de nouvelles digues et des portes étanches.

Quelles sont les véritables ambitions énergétiques du Japon ?

Les ambitions énergétiques du Japon sont claires : le pays vise à doubler la part de l'énergie nucléaire dans son mix électrique pour atteindre 20 % d'ici 2040. Le redémarrage d'un seul des sept réacteurs de Kashiwazaki-Kariwa pourrait déjà augmenter de 2 % l'approvisionnement en électricité de la région de Tokyo.

Cette stratégie ne vise pas seulement à remplacer les énergies fossiles. Le pays anticipe une hausse de la demande énergétique, notamment due à l'explosion des centres de données IA, extrêmement gourmands en électricité. Le retour en grâce de l'atome est donc perçu comme un pilier essentiel, aux côtés des renouvelables, pour alimenter l'économie et respecter les engagements de décarbonation.

Foire Aux Questions (FAQ)

Pourquoi la centrale de Kashiwazaki-Kariwa est-elle si importante ?

Avec ses sept réacteurs, il s'agit de la plus grande centrale nucléaire au monde en termes de capacité de production nette. Son redémarrage, même partiel, est un signal fort de la nouvelle politique énergétique du Japon et un test crucial pour l'opérateur TEPCO.

Combien de réacteurs sont actuellement en service au Japon ?

Avant ce redémarrage, sur les 33 réacteurs considérés comme encore exploitables dans le pays, 14 avaient déjà été remis en service. La réactivation de Kashiwazaki-Kariwa marque une nouvelle étape significative dans la relance du programme nucléaire national.

Quelles garanties de sécurité TEPCO a-t-il fournies ?

TEPCO affirme avoir mis en place des mesures robustes, incluant la construction de digues plus hautes, l'installation de portes étanches pour se prémunir contre les tsunamis, et l'ajout de générateurs mobiles et de camions de pompiers pour assurer le refroidissement en cas d'urgence. Des systèmes de filtration améliorés ont aussi été installés pour contrôler la dissémination de matières radioactives.