Le détecteur de neutrinos chinois JUNO a livré ses premiers résultats, surpassant toutes les attentes. En seulement deux mois, il a mesuré des paramètres d'oscillation avec une précision record par rapport à toutes les expériences passées combinées. Cette performance exceptionnelle confirme son potentiel pour élucider les mystères du Modèle Standard de la physique.
Après plus d'une décennie de conception, de construction et de collaboration internationale, l'Observatoire Souterrain de Neutrinos de Jiangmen (JUNO), situé dans le sud de la Chine, est enfin opérationnel.
Conçu pour être l'instrument le plus sensible jamais créé pour étudier ces particules insaisissables, il avait pour mission de s'attaquer à certaines des questions les plus fondamentales de la physique. Ses premières données, recueillies en seulement 59 jours, ne déçoivent pas.
Des performances qui dépassent les prévisions
Les chiffres annoncés par l'Institut de Physique des Hautes Énergies (IHEP) de l'Académie Chinoise des Sciences sont pour le moins éloquents.
Entre le 26 août et le 2 novembre 2025, JUNO a mesuré deux paramètres clés de l'oscillation des neutrinos, connus sous les noms de θ12 et Δm221, avec une précision 1,6 fois supérieure à celle obtenue par l'ensemble des expériences menées au cours des 50 dernières années.
Obtenir un tel résultat en moins de deux mois, alors que les projets précédents ont nécessité des décennies pour accumuler leurs données, confirme que l'instrument fonctionne exactement comme prévu, voire mieux.
La "tension des neutrinos solaires" confirmée ?
Au-delà de la prouesse technique, ces résultats jettent un pavé dans la mare de la physique des particules. Les paramètres mesurés par JUNO, via des antineutrinos issus de réacteurs nucléaires, peuvent être comparés à ceux obtenus en étudiant les neutrinos provenant du Soleil.
Or, les données antérieures montraient une légère divergence entre ces deux approches. Les mesures ultra-précises de JUNO confirment cette différence, surnommée la "tension des neutrinos solaires", qui pourrait ouvrir la porte à une nouvelle physique au-delà du Modèle Standard actuel.
L'observatoire est désormais le seul instrument au monde capable de trancher cette question en analysant les deux types de particules.
Un colosse souterrain au service de la science fondamentale
Le succès de JUNO repose sur une infrastructure hors normes. Le détecteur principal est une sphère de 35,4 mètres de diamètre contenant 20 000 tonnes de scintillateur liquide, enfouie à 700 mètres sous terre pour la protéger des interférences cosmiques.
Cet œil géant est surveillé par des dizaines de milliers de photomultiplicateurs ultra-sensibles. Fruit d'une vaste collaboration internationale impliquant plus de 700 scientifiques de 75 institutions réparties dans 17 pays, JUNO est conçu pour une durée de vie de 30 ans.
Sa mission ne fait que commencer : déterminer l'ordre de masse des neutrinos, tester les limites du cadre d'oscillation à trois saveurs et, peut-être, découvrir des lois physiques encore inconnues.