L'industrie du divertissement numérique traverse une zone de turbulences technologiques majeure. Entre promesses de réduction des coûts et craintes légitimes de remplacement, les studios cherchent leur voie. C'est dans ce climat incertain que Konrad Tomaszkiewicz, vétéran respecté ayant œuvré sur des monuments comme Cyberpunk 2077, a pris la parole chez Eurogamer.

Sa position est ferme: si la technologie a sa place dans les processus de production, elle ne peut en aucun cas porter le chapeau de créateur principal sans sacrifier l'essence même de l'expérience joueur.

Une production entièrement artificielle peut-elle avoir une âme ?

Pour Tomaszkiewicz, la réponse claque comme une évidence : c'est un non catégorique. Il estime qu'une œuvre générée exclusivement par une intelligence artificielle manquera toujours de cette étincelle indéfinissable qui connecte le créateur au public.

Dawnwalker

Le réalisateur insiste sur le fait que la substance émotionnelle, cette capacité à raconter une histoire qui résonne viscéralement, reste l'apanage du vivant. Il cite d'ailleurs le jeu Dispatch, son coup de cœur personnel, comme l'exemple typique d'une profondeur narrative qu'aucun algorithme actuel ne pourrait reproduire de manière autonome. Ce manque de sensibilité humaine condamnerait les productions automatisées à n'être que des coquilles vides, techniquement parfaites mais émotionnellement stériles. C'est un avertissement sérieux pour les éditeurs qui seraient tentés de tout miser sur la génération procédurale.

Comment la technologie peut-elle servir la créativité sans l'étouffer ?

Loin d'être un technophobe, le patron de Rebel Wolves adopte une approche pragmatique pour son prochain titre, Dawnwalker. L'idée n'est pas de rejeter le progrès, mais de l'utiliser pour booster la créativité humaine en la délestant des tâches ingrates. Il évoque par exemple l'usage de voix synthétiques temporaires pour tester le rythme des dialogues avant l'arrivée des vrais acteurs, ou l'automatisation de la détection de bugs.

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Imaginez des bots parcourant les cartes en 3D pour repérer les trous dans le maillage : c'est là que la machine excelle. En déléguant ce "nettoyage" fastidieux, les développeurs peuvent se concentrer sur l'écriture, la mise en scène et le game design. L'outil devient alors un levier de productivité et non un remplaçant artistique. Cette vision hybride semble être la seule voie viable pour maintenir la qualité.

Quel est le véritable enjeu pour l'avenir du secteur ?

Le fond du problème réside dans l'équilibre précaire entre rentabilité et intégrité artistique. Si l'automatisation permet de réduire les cycles de développement qui s'étirent désormais sur six ou sept ans, elle ne doit pas aseptiser le jeu vidéo. Tomaszkiewicz rappelle que les joueurs cherchent avant tout une connexion, une "flamme créative" qui transparaît à travers l'écran.

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Les studios qui réussiront demain seront probablement ceux qui utiliseront la puissance de calcul pour sublimer le talent de leurs équipes, et non pour les licencier. Le risque d'une uniformisation des expériences est réel si les décisions sont laissées aux seules logiques de rendement. En fin de compte, la valeur ajoutée d'un titre reposera toujours sur l'intention humaine qui l'a guidé. C'est ce supplément d'âme qui fera toujours la différence entre un produit de consommation et une œuvre marquante.

Foire Aux Questions (FAQ)

 

Konrad Tomaszkiewicz est-il totalement opposé à l'utilisation de l'IA ?

Non, pas du tout. Il défend une utilisation utilitaire de la technologie. Pour lui, elle est parfaite pour l'assistance technique, comme le repérage de bugs ou le doublage temporaire (placeholder), tant qu'elle ne remplace pas le cœur créatif de l'équipe.

Quel est le principal danger de l'IA générative selon le réalisateur ?

Il craint surtout la perte de "l'âme" du jeu. Selon sa vision, une machine ne peut pas comprendre ni reproduire les émotions humaines complexes nécessaires pour créer une narration poignante et une connexion réelle avec le joueur.

Sur quel projet travaille actuellement le studio Rebel Wolves ?

Le studio développe actuellement un titre nommé The Blood of Dawnwalker. C'est un RPG narratif ambitieux qui vise à appliquer cette philosophie où la technologie sert l'humain sans le remplacer.