Une équipe scientifique a utilisé l'intelligence artificielle pour analyser des roches vieilles de plusieurs milliards d'années. Cette méthode a révélé des signatures chimiques de vie et repoussé de 800 millions d'années les preuves de la photosynthèse, ouvrant de nouvelles perspectives pour la recherche de vie extraterrestre.
En combinant une analyse chimique poussée et la puissance de l'intelligence artificielle, une équipe multidisciplinaire menée par la Carnegie Institution for Science a mis au jour des preuves de vie dissimulées dans des roches sud-africaines vieilles de 3,3 milliards d’années.
Le défi des biosignatures effacées par le temps
Jusqu'à présent, la quête des plus anciennes traces de vie se heurtait à un obstacle majeur : le temps lui-même. Les plus vieux vestiges, comme les cellules primitives ou les tapis microbiens, ont été enfouis, chauffés, écrasés et altérés par des milliards d'années d'activité géologique.
Echantillon de roche ancienne (credit : Michael Wong)
Ces processus intenses ont presque entièrement effacé les biosignatures, ces indices moléculaires ou fossiles qui témoignent d'une activité biologique passée.
Les paléobiologistes se fiaient principalement à de rares fossiles microscopiques ou à des molécules organiques robustes, dont les plus anciennes preuves fiables ne dépassaient pas 1,7 milliard d'années. La grande majorité des roches anciennes, bien que riches en carbone, semblaient avoir perdu à jamais les secrets de leurs origines.
L'IA, une nouvelle oreille pour écouter les "murmures" chimiques
L'approche novatrice de l'équipe a consisté à ne plus chercher des molécules intactes, mais plutôt des schémas récurrents dans les fragments moléculaires dégradés.
C'est ici qu'intervient le machine learning, ou apprentissage automatique. Les chercheurs ont entraîné un modèle d'IA de type "forêt aléatoire" (random forest) sur plus de 400 échantillons variés, incluant des plantes et animaux modernes, des fossiles, des matériaux synthétiques et même des météorites.
Matière organique extraite d'une roche de 2,5 milliards d'années
(credit : Andrew D. Czaja)
Le principe s'apparente à montrer à un ordinateur des milliers de pièces d'un puzzle en miettes et à lui demander si l'image originale représentait une fleur ou une météorite.
L'algorithme a ainsi appris à distinguer les "empreintes digitales" chimiques laissées par le vivant de celles d'origine non biologique, avec une précision supérieure à 90 %. Il ne se concentre pas sur un fragment, mais sur la distribution statistique de l'ensemble.
Repousser les frontières du vivant, sur Terre et au-delà
Les résultats sont spectaculaires. Le modèle a non seulement identifié des signatures biologiques dans des sédiments de la formation Josefsdal Chert, datés de 3,33 milliards d'années, mais il a aussi fait une autre découverte majeure.
Le modèle a également identifié des traces de photosynthèse dans des roches de 2,52 milliards d'années de la formation Gamohaan. Cette découverte avance le curseur de l'apparition de ce processus fondamental de plus de 800 millions d’années.
Comprendre l'émergence de la photosynthèse est crucial, car c'est ce mécanisme qui a permis l'enrichissement de l'atmosphère terrestre en oxygène, une étape clé pour l'évolution d'une vie complexe.
Cette nouvelle méthode, bien que complémentaire des analyses traditionnelles, ouvre des perspectives vertigineuses pour l'astrobiologie. Elle pourrait être appliquée demain à des échantillons de roches martiennes ou provenant des lunes glacées de Jupiter pour y déceler les "échos" d'une vie extraterrestre, même après des milliards d'années d'altération.