Le bruit des conversations sur haut-parleur ou de la musique s'échappant des smartphones est devenu le fléau des transports en commun londoniens. Pour y remédier, l'autorité des transports de Londres (TfL), sous l'impulsion du maire Sadiq Khan, a lancé une nouvelle campagne d'affichage. L'objectif est simple : inciter les passagers à utiliser des écouteurs. Cette initiative répond à une exaspération grandissante, un sondage de TfL révélant que 70 % des usagers considèrent ces nuisances comme une perturbation majeure de leur trajet.
Une campagne pour le respect des autres
Déployée initialement sur la ligne Elizabeth, la campagne Headphones On s'étendra dès octobre aux bus, métros et autres services du réseau londonien. Les affiches demandent simplement aux voyageurs de faire preuve de respect en ne dérangeant pas les autres. Le maire adjoint aux transports, Seb Dance, a souligné que même si « la grande majorité des Londoniens utilisent des écouteurs [...], la petite minorité qui diffuse de la musique ou des vidéos à voix haute peut être une véritable nuisance pour les autres passagers ». Cette action s'inscrit dans un programme plus large, #TravelKind, qui promeut la bienveillance dans les transports.
Affiche de la campagne "Headphones On"
Crédits : Transport for London
Un sujet qui rassemble la classe politique
Le problème des nuisances sonores est si prégnant qu'il a généré un rare consensus politique. Les différents partis s'accordent sur la nécessité d'agir, bien que les méthodes proposées varient. Les Libéraux-Démocrates ont été les premiers à qualifier les contrevenants de headphone dodgers (littéralement "ceux qui esquivent les écouteurs") et réclament des amendes pouvant atteindre 1 000 £.
Le Parti Conservateur plaide également pour des sanctions plus fermes, comme des amendes infligées sur-le-champ pour garantir l'application des règles.
Cette pression politique montre que le bruit dans les transports est passé du simple désagrément à un véritable enjeu de civilité publique.
Des règles déjà existantes mais peu appliquées
Ironiquement, des règlements existent déjà. Les statuts de TfL interdisent de jouer de la musique sans autorisation écrite. En théorie, un comportement qui cause la "gêne d'autrui" peut entraîner des poursuites, avec des amendes pouvant aller jusqu'à 1 000 £. Dans la pratique, la réalité est tout autre. Des données obtenues via des demandes d'accès à l'information révèlent qu'aucune poursuite liée au bruit n'a été engagée depuis 2019.
TfL privilégie une approche en quatre étapes : engager, éduquer, encourager, puis appliquer, reléguant la sanction au dernier recours. La nouvelle campagne s'inscrit donc dans cette logique de sensibilisation plutôt que de répression.
Crédits : Precious Madubuike / Unsplash
Le silence à quel prix ? Le débat sur l'isolement social
Si la lutte contre le bruit semble légitime, certains critiques soulèvent une question plus profonde : cette obsession du silence ne contribue-t-elle pas à l'isolement dans une société où la solitude est déjà un mal grandissant ? Selon la Campaign to End Loneliness, 49 % des adultes britanniques se sentent seuls occasionnellement ou fréquemment. En encourageant chacun à se réfugier dans sa bulle numérique avec des écouteurs, on élimine les interactions humaines spontanées, même les plus brèves.
La question n'est plus de savoir si le bruit est gênant, mais si la recherche du silence ne risque pas de nous isoler les uns des autres en ville. Si personne ne souhaite subir les vidéos TikTok de son voisin, un monde où chacun est scellé dans son propre silo numérique pourrait avoir un coût humain bien plus élevé.