Le groupe Lufthansa a annoncé un plan de restructuration majeur visant à supprimer 4 000 postes administratifs d'ici 2030. Cette décision s'inscrit dans une stratégie ambitieuse de digitalisation et d'intégration de l'intelligence artificielle pour atteindre de nouveaux objectifs de rentabilité et moderniser sa flotte, malgré les risques inhérents à une telle transition.

La nouvelle est tombée lors du Capital Markets Day de la compagnie à Munich. Le groupe aérien allemand a dévoilé une feuille de route claire pour la fin de la décennie, axée sur l'efficacité et la profitabilité.

Pour y parvenir, Lufthansa s'appuiera massivement sur la numérisation et l'intelligence artificielle, des leviers jugés essentiels pour optimiser les processus. Cette transformation a cependant un coût social : la suppression de 4 000 équivalents temps plein, principalement dans les fonctions administratives et majoritairement en Allemagne.

Une stratégie de choc pour redresser la barre

L'annonce s'inscrit dans un contexte de forte pression. Après une année 2024 marquée par des grèves, des retards de livraison d'appareils et une concurrence tarifaire accrue, Lufthansa se devait de rassurer les investisseurs.

Lufthansa compagnie aerienne 100 ans

Lufthansa se prépare à fêter ses 100 ans en 2026

Le groupe, qui fêtera ses 100 ans l'an prochain, vise désormais des objectifs financiers ambitieux pour la période 2028-2030, avec une marge d'EBIT ajustée comprise entre 8 et 10 % et un flux de trésorerie disponible annuel dépassant les 2,5 milliards d'euros.

Pour justifier ces coupes, la direction évoque des "doublons" et des gains d'efficacité permis par les nouvelles technologies. Le groupe a d'ailleurs prévu de réorganiser en profondeur ses fonctions informatiques, en les consolidant sous une seule direction et en fusionnant ses entités d'innovation.

Parallèlement à cette restructuration, Lufthansa s'est engagée dans la plus grande modernisation de sa flotte de son histoire, avec plus de 230 nouveaux appareils attendus d'ici 2030.

L'IA, déjà aux commandes dans les coulisses ?

Loin d'être une simple projection, l'intelligence artificielle est déjà une réalité opérationnelle au sein du groupe. Sa filiale Lufthansa Technik utilise par exemple des outils de maintenance prédictive comme Aviatar, qui analyse automatiquement les journaux de bord techniques pour détecter les défauts récurrents.

En partenariat avec Microsoft, plus de cinquante cas d'usage de l'IA sont à l'étude, de l'optimisation de la chaîne d'approvisionnement à la gestion des opérations au sol.

Lufthansa Seer optimisation intelligence artificielle

Le système "Seer", déployé avec Fraport à l'aéroport de Francfort, utilise des caméras et la vision par ordinateur pour superviser en temps réel les opérations de rotation des avions.

De la logistique cargo à la tarification dynamique des services annexes, l'IA infuse déjà de nombreux processus pour les rendre plus performants et rentables. Le groupe expérimente même des assistants IA, comme "Holly" pour sa division Eurowings Holidays, capable de créer des séjours sur mesure en comparant des milliards de combinaisons de vols et d'hôtels.

Un pari sur l'avenir, non sans risques

La stratégie de Lufthansa s'aligne sur une tendance de fond dans le secteur aérien et ailleurs, qui voit dans l'IA un moyen de maîtriser des processus complexes et gourmands en données.

Cependant, cette transition n'est pas un long fleuve tranquille. L'implacable réalité des limites technologiques a déjà frappé d'autres compagnies, comme en témoigne le cas du chatbot menteur d'Air Canada, qui avait "halluciné" une politique de dédommagement inexistante, forçant la compagnie à indemniser un passager.

La question de la tarification pilotée par IA suscite également la méfiance, certains y voyant une porte ouverte à des pratiques prédatrices. Le sénateur américain Ruben Gallego avait d'ailleurs vivement critiqué Delta Air Lines sur ce sujet.

Si les outils d'IA peuvent traiter des océans de données, le cas Lufthansa sera scruté de près. Il démontrera si une automatisation à grande échelle peut véritablement remplacer le jugement humain sans dégrader le service ou la confiance des clients, tout en remodelant durablement son effectif.