La startup chinoise Moore Threads, spécialisée dans les processeurs graphiques, a réalisé une entrée spectaculaire à la Bourse de Shanghai. Son action a quintuplé de valeur, portée par la stratégie de Pékin visant l'autosuffisance technologique face aux restrictions américaines. Fondée par un ancien cadre de Nvidia, l'entreprise incarne les espoirs de tout un pays dans la course à l'intelligence artificielle.

Le fabricant de puces graphiques, souvent surnommé le « Nvidia chinois », a marqué les esprits avec une entrée spectaculaire sur le marché STAR de Shanghai.

L'action, introduite au prix de 114,28 yuans, a clôturé sa première journée à 600,50 yuans, soit une hausse de 425 %, quintuplant sa valeur initiale. Cette opération a permis à la jeune entreprise de lever 8 milliards de yuans, soit environ 1,1 milliard de dollars, pour financer ses projets de recherche et développement sur les puces de nouvelle génération dédiées à l'IA.

Un pari sur l'autosuffisance technologique

Ce succès intervient dans un contexte géopolitique tendu où les États-Unis multiplient les restrictions à l'exportation de technologies de pointe. En réponse, Pékin a fait de l'indépendance technologique une priorité nationale, encourageant massivement ses champions nationaux pour assurer l'avenir de la Chine dans les semi-conducteurs.

Moore Threads GPU 02

Cette politique volontariste crée de fait un marché intérieur protégé et colossal pour les acteurs locaux. En limitant l'accès aux puces les plus avancées de concepteurs américains, Washington a paradoxalement accéléré la transition des géants technologiques chinois comme Tencent, Alibaba ou ByteDance vers des solutions locales.

Des entreprises comme Huawei ou Cambricon bénéficient déjà de cet écosystème favorable, désormais rejointes par de nouveaux concurrents ambitieux.

James Zhang, le transfuge de Nvidia aux commandes

Derrière cette réussite fulgurante se trouve un homme au parcours emblématique : James Zhang Jianzhong. Avant de fonder Moore Threads en 2020, il a passé 14 ans chez Nvidia, où il a gravi les échelons jusqu'à devenir vice-président et directeur général pour la Chine.

Son expertise technique, sa connaissance intime du marché et son carnet d'adresses ont été des atouts décisifs pour gagner la confiance d'investisseurs de premier plan comme Sequoia ou GGV Capital.

Moore Threads GPU 03

L'ambition de l'entreprise est claire : concevoir des GPU à vocation universelle. Ces processeurs sont développés pour gérer un large éventail de tâches intensives, allant de l'accélération de l'IA au rendu graphique 3D, en passant par la simulation scientifique ou les applications du métavers. C'est en défiant directement le quasi-monopole de son ancien employeur, Nvidia, que l'entreprise espère capter une part significative de la demande chinoise.

Une valorisation exubérante, et après ?

L'engouement des investisseurs est indéniable et reflète l'appétit du marché pour les histoires de croissance liées à l'intelligence artificielle. La valorisation stratosphérique atteinte par Moore Threads dès son premier jour la place d'emblée parmi les entreprises technologiques les plus en vue de la place de Shanghai, un signal fort envoyé à la concurrence internationale.

Cependant, cette euphorie doit être analysée avec prudence. Le marché STAR, où est cotée l'entreprise, est connu pour ses multiples de valorisation très élevés, bien supérieurs à la moyenne.

La véritable épreuve pour Moore Threads sera de prouver sur le long terme que sa technologie peut non seulement exister, mais aussi rivaliser en performance et en efficacité énergétique avec les leaders mondiaux. La course à la suprématie dans les puces IA est encore loin d'être terminée.