L'Association des constructeurs européens (ACEA) demande officiellement à Bruxelles un assouplissement de l'échéance de 2035 pour la fin du moteur thermique.
Jugeant les objectifs irréalistes, elle propose d'intégrer les carburants alternatifs et des systèmes de crédits carbone pour une transition plus progressive, face à un marché de l'électrique qui peine à décoller.
Le calendrier est pourtant fixé depuis 2022 : à partir de 2035, la vente de voitures neuves à moteur thermique sera interdite au sein de l'Union européenne. Cette mesure radicale, visant une réduction de 100 % des émissions de CO2 à l'échappement, semblait sceller le destin de l'essence et du diesel. Mais la réalité économique et industrielle vient aujourd'hui bousculer ce scénario.
Un calendrier jugé déconnecté de la réalité ?
Par la voix de l'ACEA, son principal lobby, l'industrie automobile estime que les objectifs climatiques européens reposent sur des "bases obsolètes" et des hypothèses bien trop optimistes. Sigrid de Vries, sa directrice générale, dénonce une trajectoire trop rigide qui ignore les difficultés actuelles.
La croissance des ventes de voitures électriques n'atteint pas les parts de marché espérées par certains, et de nombreux fournisseurs et équipementiers annoncent des plans de licenciement. L'Europe ne semble tout simplement pas prête pour le grand basculement.
Carburants de synthèse : la solution miracle ou un mirage ?
Au cœur des propositions de l'ACEA se trouve une demande phare : la reconnaissance des carburants alternatifs, comme les e-fuels ou les agrocarburants (que l'ONG T&E vient de tailler en pièces pour leur impact environnemental), en tant que solution "zéro émission". Cette manœuvre permettrait de maintenir en vie une partie de la production de moteurs thermiques au-delà de 2035.
Cependant, les constructeurs restent évasifs sur la mise en œuvre concrète. La production de ces carburants de synthèse est aujourd'hui anecdotique, extrêmement énergivore et leur usage serait sans doute plus pertinent pour des secteurs sans alternative, comme l'aviation.
Des "super crédits" pour éviter le naufrage économique
L'association ne s'arrête pas là et suggère d'autres leviers pour assouplir la contrainte. Elle propose l'octroi de crédits carbone pour la mise à la casse de véhicules anciens et polluants, ainsi que des "super crédits" pour la vente de petits véhicules électriques, un segment jugé peu rentable mais essentiel.
Ces demandes ont provoqué une levée de boucliers chez les ONG environnementales. L'organisation Transport & Environnement a fustigé une "liste de courses honteuse" qui saperait les investissements nécessaires à la transition.
La Commission européenne, qui avait prévu une clause de revoyure en 2026, a promis d'accélérer la révision du dispositif. La pression des industriels, conjuguée aux inquiétudes sociales et à la concurrence chinoise, place désormais Bruxelles face à un dilemme complexe. L'avenir de la mobilité européenne se jouera dans les prochains mois, entre ambition climatique et pragmatisme industriel.