Mustafa Suleyman, le dirigeant de Microsoft AI, affirme que la conscience est un attribut exclusivement biologique, qualifiant la recherche d'une IA dotée d'émotions de "question absurde".

Cette prise de position forte dessine une frontière philosophique claire pour le géant de la tech, qui se concentre sur le développement d'une IA conçue comme un outil au service de l'humain, et non comme son imitation.

Le débat fait rage dans une industrie technologique lancée à pleine vitesse vers l'intelligence artificielle générale (AGI) et le marché en pleine expansion des "compagnons IA".

Des entreprises comme Meta ou xAI, la société d'Elon Musk, explorent activement la création d'agents conversationnels capables d'interactions ressemblant de plus en plus à celles entre humains.

C'est dans ce contexte que la voix de Mustafa Suleyman, PDG de Microsoft AI, résonne avec une fermeté particulière, traçant une ligne rouge que son entreprise ne franchira pas.

Une distinction fondamentale entre intelligence et conscience

Lors de la conférence AfroTech, Mustafa Suleyman a martelé une conviction : poursuivre le développement d'une intelligence artificielle consciente est une erreur fondamentale.

"Je pense que c'est totalement la mauvaise question", a-t-il déclaré, arguant que poser le mauvais problème ne peut mener qu'à une mauvaise réponse. Pour lui, la distinction entre la capacité d'une machine à devenir plus intelligente et sa faculté à ressentir des émotions est non négociable.

Il illustre son propos avec l'exemple de la douleur. "Notre expérience physique de la douleur est quelque chose qui nous rend très tristes et nous fait nous sentir terriblement mal, mais l'IA ne se sent pas triste lorsqu'elle expérimente la 'douleur'".

Il s'agit d'une distinction cruciale. Selon lui, la conscience est intrinsèquement liée à notre biologie, une expérience physique du monde que les algorithmes, aussi sophistiqués soient-ils, ne peuvent que mimer sans jamais l'éprouver.

La biologie comme seule source du ressenti ?

La position de Suleyman s'ancre dans des théories comme le naturalisme biologique, qui postule que la conscience dépend des processus neurobiologiques d'un cerveau vivant.

Il insiste sur le fait que les droits accordés aux êtres humains découlent de leur capacité à souffrir. "Ils ont un réseau de la douleur, et ils ont des préférences qui impliquent d'éviter la douleur", explique-t-il. Les modèles d'IA, en revanche, n'ont rien de tout cela, il ne s'agit que d'une simulation.

C'est pourquoi il qualifie "d'absurde" la recherche dans ce domaine. Alors que le marché des assistants émotionnels prend de l'ampleur, cette vision place le développement de l'IA chez Microsoft sur une trajectoire volontairement distincte de certains de ses concurrents, y compris de son partenaire clé OpenAI.

Microsoft trace sa propre voie : l'IA au service de l'humain

Concrètement, cette philosophie se traduit par une stratégie produit claire. Microsoft refuse de construire des chatbots destinés à des conversations érotiques ou des compagnons conçus pour imiter une personne.

"Nous créons des IA qui travaillent toujours au service de l'humain", a précisé Suleyman. L'objectif n'est pas de créer des entités autonomes, mais des outils d'assistance toujours plus performants.

Il met en avant des fonctionnalités comme "real talk" dans Copilot, conçue pour challenger l'utilisateur plutôt que de se montrer obséquieuse, un comportement souvent rencontré ailleurs et qui peut conduire à biaiser les réponses pour faire plaisir à celui qui les pose.

Cette approche permet de sculpter des "personnalités" d'IA dotées de valeurs et de styles d'interaction, sans jamais prétendre à une quelconque vie intérieure. L'IA peut être "impertinente", comme il le décrit, mais elle reste un outil conscient de sa propre nature artificielle.

Face à une technologie qui est "à la fois décevante et totalement magique", Suleyman estime qu'une saine dose de peur et de scepticisme est nécessaire. Sa prise de parole sonne comme un appel à la modération, questionnant la finalité même de la course technologique actuelle.

Reste à savoir si cette vision pragmatique saura s'imposer face à la quête fascinante, mais potentiellement illusoire, d'une conscience de silicium.