Depuis début septembre, la NASA a instauré une exclusion totale des ressortissants chinois de ses locaux, réseaux informatiques et même des échanges virtuels.

Ce virage radical s’inscrit dans un contexte de méfiance croissante entre les États-Unis et la Chine, deux puissances engagées dans une véritable course à l’espace. Les missions des deux agences spatiales se sont rapprochées au point de devenir concurrentes sur les objectifs comme sur le timing : poser des astronautes sur la Lune et établir un campement, ramener des échantillons du sol martien, mener des opérations de minage d'astéroïdes, anticiper une défense spatiale...

La Chine a fait de la course à l'espace une ambition stratégique de premier plan avec la volonté de rattraper son retard sur les Etats-Unis, notamment en matière de nombre de lancements annuels, de lanceurs réutilisables et de constellations de satellites de communication.

Cette accélération du rythme chinois crée des frictions et conduit la NASA à resserrer les rangs et à éviter les fuites concernant ses dernières technologies et ses plans d'action pour mener à bien ses missions.

Pourquoi la NASA impose-t-elle ce bannissement ?

La récente exclusion des citoyens chinois des programmes spatiaux américains n’est pas un acte isolé. Selon la porte-parole Bethany Stevens, il s’agit avant tout de sécurité : la NASA souhaite protéger ses travaux et ses infrastructures face au risque d’espionnage industriel et de piratage de données stratégiques.

En juillet, un cas d’espionnage impliquant Chenguang Gong, citoyen sino-américain, a mis en lumière la vulnérabilité des agences américaines : celui-ci avait téléchargé des informations sensibles sur des capteurs utilisés par les avions pour déjouer les missiles infrarouges, ainsi que sur des caméras conçues pour l’alerte précoce contre des menaces hypersoniques.

La NASA évoque le risque de fuite d’informations militaires liées à ses collaborations avec le Pentagone et de précédents recrutements problématiques font craindre de nouvelles intrusions dans le secteur spatial.

La ligne de défense américaine s’inscrit donc dans une logique de préservation de ses intérêts stratégiques face à une puissance chinoise en croissance rapide.

Le contexte : rivalité et pression politique

À l’échelle internationale, la tension entre Washington et Pékin gagne du terrain jusque dans les étoiles. Les deux géants visent à établir une présence humaine sur la Lune au cours des prochaines années, et le doute s’installe quant à celui qui arrivera le premier.

D’ailleurs, certains observateurs n’hésitent pas à prédire que les Taïkonautes poseront le pied sur le régolithe lunaire avant les astronautes américains. Pour répondre, Sean Duffy, administrateur par intérim de la NASA, s’est montré catégorique : « Notre mission consiste à maintenir la domination américaine dans l’espace. La Chine veut y arriver, mais nous y serons en premier. »

Au centre de cette lutte, la fierté nationale se mêle aux impératifs de conquête. Le retour des États-Unis sur la Lune reste la priorité et un préalable à l’exploration habitée de Mars.

C'est aussi une bataille de zone d'influence et de ressources. Le premier à s'installer sur la Lune pourrait bien aussi en profiter pour imposer des zones exclusives et commencer à récupérer des ressources stratégiques comme l'Hélium-3, important pour les futures activités de fusion nucléaire.

Conséquences pour la communauté scientifique

Les restrictions ne concernent pas uniquement les installations physiques : les citoyens chinois sont aussi exclus des réseaux numériques de la NASA, des fichiers partagés, et même des communications via des outils comme Zoom.



Certains chercheurs sont contraints de repousser ou réorienter leurs travaux, et la collaboration internationale s’en trouve affectée. La législation américaine interdit formellement à la NASA toute coopération avec le programme spatial chinois ou les entreprises privées du secteur, sauf autorisation expresse du Congrès – une dérogation rare et très encadrée.

On notera que la NASA avait pu examiner des échantillons lunaires rapportés par Chang’e 5 grâce à cette procédure exceptionnelle, preuve que la Chine s’impose comme acteur incontournable.

Course à l’innovation et ramifications stratégiques

Ce blocage est aussi une manifestation de la rivalité technologique grandissante entre les deux pays. La Chine multiplie les annonces, à l’image de ses progrès en intelligence artificielle et de son programme spatial : station spatiale autonome, cloud alimenté par processeurs développés localement, tests de véhicules lunaires et IA embarquée.

Les États-Unis, eux, accélèrent leurs efforts pour démontrer leur supériorité et éviter de perdre un leadership amplement médiatisé. La pression s’intensifie sur les chercheurs et entreprises pour garder une longueur d’avance et la compétition autour des lancements et des innovations en robotique spatiale s’accélère.

Une transition délicate pour le secteur spatial

Ce virage sécuritaire de la NASA remet en question le modèle de partage scientifique qui avait jusque-là prévalu pour faire progresser la recherche spatiale mondiale.

L’exclusion des chinois risque d’allonger la fragmentation entre les grands pôles de la conquête spatiale, chaque nation mettant en avant ses propres priorités et secrets.

La diplomatie scientifique semble donc entrer dans une phase d’incertitude, où le pragmatisme remplace peu à peu l’ouverture. Entre une Chine conquérante et des Etats-Unis bien décidés à conserver leur avance, la science se retrouve prise en étau et risque de perdre une partie de son foisonnement lié aux échanges d'idées.