Découverte dans les sources chaudes de Californie, une nouvelle espèce d'amibe, Incendiamoeba cascadensis, établit un record de tolérance à la chaleur pour un eucaryote.
Capable de se diviser à 63°C et de survivre jusqu'à 70°C, elle remet en question les limites connues de la vie complexe et ouvre de nouvelles perspectives pour la recherche de vie extraterrestre.
Pourquoi cette découverte est-elle si importante ?
Le monde du vivant se scinde en deux grandes catégories : les procaryotes, comme les bactéries et les archées, et les eucaryotes. Les premiers, plus simples et primitifs, sont réputés pour leur incroyable capacité à survivre dans des conditions extrêmes.
L'archée Methanopyrus kandleri, par exemple, prospère près de cheminées hydrothermales à 122°C. À l'inverse, les organismes eucaryotes, qui incluent les plantes, les animaux et nous-mêmes, possèdent des cellules complexes avec un noyau et des organites, les rendant beaucoup plus fragiles à la chaleur.
Parc National Volcanique de Lassen, Californie (credit : Pexel /Alex Moliski)
Jusqu'à très récemment, la limite supérieure de température pour la croissance d'un eucaryote était estimée autour de 60°C. Cette barrière, longtemps considérée comme infranchissable, constituait un dogme de la biologie sur les contraintes de la vie complexe.
L'arrivée d'Incendiamoeba cascadensis vient pulvériser ce nouveau record et force la communauté scientifique à revoir ses certitudes sur la résilience cellulaire.
Incendiamoeba cascadensis : portrait d'une survivante
C'est au cœur du Parc National Volcanique de Lassen, en Californie, qu'une équipe de biologistes de l'Université de Syracuse, menée par H. Beryl Rappaport et Angela Oliverio, a fait cette trouvaille.
L'organisme a été isolé dans des échantillons d'eau prélevés dans un cours d'eau géothermique d'apparence banale. Baptisé Incendiamoeba cascadensis, ce qui signifie littéralement « l'amibe du feu des Cascades », ce protiste a révélé des capacités hors du commun une fois étudié en laboratoire.
L'amibe en promenade là où les autres organismes vivants succomberaient
Soumise à un protocole expérimental rigoureux, l'amibe a montré un comportement stupéfiant. Non seulement elle ne commence à se développer qu'à partir de 42°C, ce qui en fait une thermophile obligatoire, mais sa croissance optimale se situe entre 55 et 57°C.
Les chercheurs ont directement observé sa division cellulaire (mitose) à 58°C et même à 63°C. L'organisme reste mobile jusqu'à 64°C et ne forme des kystes protecteurs pour entrer en dormance qu'à 66°C. Il ne succombe définitivement qu'à 80°C, une température fatale pour la quasi-totalité des eucaryotes connus.
Au-delà de la Terre : quelles implications pour l'avenir ?
Pour comprendre comment cette amibe endure de telles conditions, les scientifiques se sont penchés sur son génome. L'analyse a révélé des adaptations génétiques uniques, notamment des voies de signalisation ultra-rapides pour répondre au stress thermique et un arsenal étendu de protéines chaperonnes.
Ces dernières agissent comme un véritable bouclier thermique, empêchant les autres protéines vitales de se dégrader sous l'effet de la chaleur.
Loin d'être une simple anomalie biologique, I. cascadensis pourrait avoir des parents proches. Des séquences ADN quasi identiques ont été retrouvées dans des échantillons environnementaux du parc de Yellowstone et de la zone volcanique de Taupō en Nouvelle-Zélande.
Cette découverte a des implications profondes pour la recherche de vie extraterrestre, en élargissant la gamme des paramètres abiotiques considérés comme compatibles avec l'émergence d'une vie complexe.
Elle soulève une question fondamentale : quelle est la véritable température maximale qu'une cellule eucaryote peut supporter ?