Le marché de l'automobile est perturbé en Europe et même les valeurs sûres finissent par tanguer sous la pression du virage vers l'électrique. Lundi, le géant Porsche a encaissé un revers boursier inédit après une série de nouvelles décevantes.
Entre espoirs contrariés sur le marché des véhicules électriques, pertes faramineuses et pression des marchés internationaux, la marque allemande emblématique doit composer avec les écueils liés à sa transformation et les difficultés associées à la transition énergétique.
Un marché électrique moins porteur que prévu
Le passage de Porsche vers l’électrique devait marquer une nouvelle ère pour la marque. Or, la réalité boursière s’est révélée brutale. Après l’annonce d’un nouveau report dans le calendrier de commercialisation de ses modèles électriques, le titre s’est effondré de plus de 7% en une seule séance.
Les observateurs financiers soulignent que cette chute s’explique en partie par la baisse d'appétit des consommateurs pour les véhicules propres, notamment sur le marché chinois, traditionnellement moteur de la croissance de Porsche.
« Le constructeur, coincé entre ses modèles thermiques emblématiques et une mutation inachevée, subit de plein fouet la morosité du secteur », analysent plusieurs experts interrogés par la presse économique.
Cette déconvenue n’est pas isolée : l’ensemble des constructeurs européens affronte une concurrence accrue et une décélération mondiale des ventes électriques.
Impact boursier et prévisions en berne pour Porsche et Volkswagen
Le coup de massue boursier n'a pas épargné la maison-mère Volkswagen, dont la valorisation a également reculé de 7,5%. Le groupe a dû acter une charge exceptionnelle de 5,1 milliards d’euros sur l’exercice en cours, avec pour conséquence directe un abaissement massif de ses ambitions de rentabilité : seulement 2 à 3% de marge attendue contre 4 à 5% auparavant.
Côté Porsche, le bénéfice opérationnel pourrait s'effondrer de 1,8 milliard d’euros en 2025, réduisant la rentabilité ciblée à 2%, bien loin des 5 à 7% annoncés.
Un tel décrochage pose la question de la stratégie industrielle poursuivie. Selon une note de l’institut Bernstein reprise par la presse, les milliards investis dans l’électrification n'ont pas débouché sur un concurrent sérieux face à Tesla. « Réorganiser la gamme nécessitera du temps et de l’argent pour s’ajuster réellement à la demande du marché », préviennent les analystes.
Le pari risqué sur l’électrique et les tensions stratégiques internes
Le retard pris dans les lancements EV n'est pas le seul motif d’inquiétude. Plusieurs analystes parlent d’une « erreur stratégique » : l’excès de dépendance vis-à-vis de la filière électrique, alors même que la demande fléchit.
Le réalignement imposé par la direction vise désormais à prolonger la vie des moteurs thermiques via une production hybride, en attendant que le marché retrouve de la vigueur.
Ce revirement, vu par certains comme inévitable, entraîne aussi une perte de confiance chez les actionnaires, certains appelant à dissocier la direction de Porsche de celle de Volkswagen.
Le spectre de la réglementation européenne pèse également : la perspective de l’interdiction à la vente des modèles thermiques neufs à l’horizon 2035 figure parmi les causes de l’accélération de la mutation des gammes. Pourtant, les acteurs du secteur demandent à Bruxelles de revoir sa copie face à cette ambition, jugée de moins en moins réaliste compte tenu des turbulences actuelles.
Répercussions sur l’emploi, la stratégie européenne et la compétition mondiale
La crise traversée par Porsche résonne comme un signal d’alarme pour l’ensemble de la filière automobile occidentale. Ce coup d’arrêt, couplé à la volonté de réagir à la montée en puissance de la Chine sur l’électrique, nourrit le débat sur la souveraineté technologique de l’Europe.
On observe déjà des plans de réduction des coûts et de décalage de plusieurs projets industriels et la remise en question de stratégies exclusivement tournées vers l’électrique chez plusieurs constructeurs automobiles.
Enfin, ni la montée des tarifs douaniers aux États-Unis ni le ralentissement économique mondial ne plaident pour un rebond rapide. Face à la tempête boursière et industrielle, la transition ne sera ni linéaire, ni exempte d’effets secondaires pour l’emploi et les territoires.
Le secteur automobile européen est donc à la croisée des chemins, coincé entre les injonctions du passage à l'électrique et une demande qui peine à décoller. La rediscussion de l'échéance 2035 apparaît de plus en plus nécessaire aux yeux des constructeurs, non pas pour s'en débarrasser mais pour l'aménager afin d'assurer une transition viable. Mais n'est-il pas déjà trop tard ?