C'est une première en Suisse. Un consortium d'acteurs académiques, publics et privés a officiellement lancé le Geneva Quantum Network (GQN), un réseau de communication quantique longue distance.

Inaugurée lors du Quantum Industry Day, cette infrastructure s'appuie sur 262 kilomètres de fibres optiques existantes du canton de Genève pour connecter des institutions de premier plan comme l'Université de Genève (UNIGE), le CERN, mais aussi des entreprises spécialisées comme ID Quantique et Rolex. L'objectif : sortir la physique quantique des laboratoires pour développer les applications de demain.

Quel est le principe de ce réseau quantique ?

Pour construire cette autoroute de l'information du futur, les chercheurs n'utilisent pas les fibres optiques classiques, saturées de données. Ils exploitent ce qu'on appelle des "fibres sombres", des câbles déjà installés par l'Office cantonal des systèmes d’information et du numérique (OCSIN) il y a plusieurs années, mais laissés inexploités. Cet immense réseau souterrain devient un terrain de jeu à grande échelle pour les physiciens.

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La raison est simple : la communication quantique fonctionne à l'échelle de particules uniques de lumière, les photons. Il est impossible de faire cohabiter ces signaux extrêmement faibles avec les milliards de photons qui composent le trafic internet classique. "Nous travaillons dans le régime quantique : nous n'envoyons que quelques photons à la fois", explique Nicolas Brunner, professeur de physique à l'UNIGE. Avec ce réseau dédié, les équipes vont pouvoir expérimenter, tester et développer des technologies quantiques hors du laboratoire, en conditions réelles, sur des dizaines de kilomètres.

Quelles technologies y seront testées concrètement ?

Le réseau permettra de tester des applications concrètes, à commencer par la cryptographie quantique, ou QKD (Quantum Key Distribution). Portée par l'entreprise genevoise ID Quantique, pionnière du domaine, cette méthode garantit des communications inviolables. Le principe repose sur une loi fondamentale de la physique : observer un signal quantique le perturbe inévitablement. Toute tentative d'espionnage est donc immédiatement détectée, rendant le secret des échanges quasi absolu.

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Mais les applications vont bien au-delà :

  • Distribution de particules intriquées : Le réseau permettra d'envoyer des paires de photons intriqués entre l'UNIGE, le CERN et l'HEPIA, une brique essentielle pour les futurs réseaux informatiques quantiques.
  • Synchronisation temporelle : Grâce aux horloges atomiques optiques fournies par Rolex et à la technologie White Rabbit du CERN, le GQN diffusera des signaux horaires d'une précision extrême, un enjeu majeur pour la finance, les télécommunications et la recherche fondamentale.
  • Détection et métrologie : L'HEPIA déploiera par exemple un capteur de température capable de mesurer les variations le long de la fibre optique avec une résolution inédite, grâce à la détection de photons uniques.

Pourquoi ce projet est-il si important pour la Suisse ?

L'ironie de l'histoire, c'est que la Suisse était jusqu'à présent le seul pays européen à ne pas disposer d'un réseau quantique national. Un projet d'envergure fédérale avait été envisagé avant d'être finalement abandonné, faute de financement. Le Geneva Quantum Network est une réponse directe à ce vide, né d'un partenariat public-privé pour stimuler l'innovation locale. "La mise en service du GQN est un magnifique exemple de l’impact que peuvent avoir les partenariats publics-privés", souligne Delphine Bachmann, conseillère d’État genevoise.

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Le projet poursuit ainsi quatre grands objectifs : faire avancer la science, former la prochaine génération d'ingénieurs et de physiciens, renforcer la position de Genève comme pôle d'excellence quantique sur la scène internationale, et enfin, informer le grand public sur les enjeux de cette nouvelle vague technologique qui, bien que complexe, façonnera le monde de demain.

Foire Aux Questions (FAQ)

Qu'est-ce que la cryptographie quantique (QKD) ?

C'est une méthode de communication ultra-sécurisée qui utilise les principes de la physique quantique. Elle permet à deux interlocuteurs de créer et de partager une clé de chiffrement secrète. Toute tentative d'interception de cette clé par un espion est immédiatement détectée, car elle perturbe l'état des particules (photons) utilisées, garantissant ainsi la confidentialité des échanges.

Que sont les "fibres sombres" ?

Les "fibres sombres" sont des câbles de fibre optique qui ont été installés dans le sol mais qui ne sont pas "allumés", c'est-à-dire qu'aucun trafic de données ne circule à l'intérieur. Elles constituent une infrastructure dormante, parfaite pour des projets de recherche comme le GQN qui nécessitent un réseau dédié et exempt de toute interférence.

Qui sont les partenaires du projet Geneva Quantum Network ?

Le GQN est le fruit d'une collaboration public-privé. Il réunit des acteurs académiques (Université de Genève, HEPIA), des centres de recherche internationaux (CERN), des entreprises technologiques de pointe (ID Quantique, Rolex) et une entité publique cantonale (l'OCSIN, qui fournit l'infrastructure fibre optique).