L’Europe, et tout particulièrement la France, fait face à un défi stratégique : la nécessité de rattraper un retard considérable dans le domaine des petits réacteurs nucléaires, aussi connus sous le nom de SMR et AMR.
À ce jour, seuls trois prototypes sont opérationnels dans le monde. La Chine, la Russie et le Japon s'affichent en pionniers, alors que la France se retrouve en sixième ou septième position.
Pourtant, le potentiel du nucléaire modulable attise les ambitions pour répondre aux urgences climatiques et à la souveraineté énergétique. Les SMR font l'objet d'une ambition spécifique dévoilée en 2021 avec le Plan France 2030 qui promettait 1 milliard d'euros pour leur développement rapide.
Depuis, les difficultés techniques et les complications pour porter les projets à leur terme ont handicapé les efforts français. Mais tout n'est pas encore perdu pour ce segment en devenir.
Le retard européen analysé
L’Europe accuse un retard notable dans le déploiement des mini-réacteurs nucléaires, un secteur en pleine effervescence chez les grandes puissances. Tandis que la Chine, la Russie et le Japon disposent déjà d’installations opérationnelles, la France n’a pas encore franchi le cap du prototype.
Le projet de SMR Nuward d'EDF à côté des centrales nucléaires
Selon des experts du secteur, aucune nation n’a atteint « l'effet de série » permettant une industrialisation massive de la technologie, ce qui laisse encore une fenêtre temporelle pour revenir dans la course, sous réserve d'optimiser la stratégie et d'y mettre les moyens.
Si les études préliminaires ont bien avancé, le stade de la construction des prototypes peine à trouver les soutiens et les investissements nécessaires, mettant les projets en suspens.
Un modèle économique complexe
Le nerf de la guerre demeure donc le financement. Pour passer de l’idée à la réalité, chaque projet exige en moyenne un milliard d’euros en fonds propres publics. C’est à cette étape, jugée particulièrement risquée pour les investisseurs privés, que l’État peut jouer un rôle catalyseur.
Les pays leaders sont tous ceux où le secteur public a pris des engagements financiers fermes, entraînant avec lui des capitaux privés supplémentaires. C'est bien à ce niveau, plutôt qu'à celui de la technique, que se joue la différence entre l'Europe et les pays plus avancés dans ce domaine.
Remplacer les centrales par de petites structures locales, c'est encore un voeu pieux
En Europe, les montants investis par les États restent 100 fois moins élevés, soit environ 10 millions d’euros par projet, largement insuffisant pour concrétiser le travail théorique conçu en amont.
L'écart explique aussi les difficultés à convaincre les fonds d’investissement privés, surtout pour l’étape longue et coûteuse d’industrialisation, qui craignent de devoir supporter l'ensemble de l'effort financier sans certitudes sur les retombées.
Un avenir incertain mais plein d’opportunités
L’avenir du secteur dépend largement de cette mobilisation financière, selon les experts de la CRE (Commission de Régulation de l'Energie). Leur rapport préconise un « financement significatif concentré sur les quelques SMR les plus prometteurs », tout en gardant en tête la fragilité de certaines start-up, à l’image de Naarea, placée récemment en redressement judiciaire.
Si la phase de déploiement commercial des SMR est attendue dans la prochaine décennie, les AMR (Advanced Modular Reactor) pourraient patienter jusqu’aux horizons 2040-2050, en raison d’un niveau de maturité technologique inférieur.
Quelle place pour la France sur le marché mondial ?
La France joue désormais une partie de son avenir énergétique sur la capacité à relancer l’investissement dans le nucléaire modulable. D’après le rapport de la CRE, l’enjeu ne sera pas seulement technique, mais surtout financier et politique.
Une intervention publique massive pourrait rétablir la compétitivité française et européenne. Le secteur est donc à la croisée des chemins : investir massivement ou risquer de rester à la traîne des géants mondiaux.
A l'heure des caisses publiques vides et des changements incessants de gouvernement, le développement des SMR en France reste donc incertain, sans compter le contexte géopolitique international.