Près de quarante ans après l'explosion du réacteur numéro quatre de la centrale de Tchernobyl, la zone d'exclusion reste un symbole de catastrophe nucléaire. Pourtant, la vie y a trouvé un chemin inattendu. Des scientifiques ont découvert un champignon d'un noir profond, Cladosporium sphaerospermum, colonisant les murs du réacteur. Loin d'être anéanti par le rayonnement, il semble s'en nourrir, un phénomène qui bouscule nos connaissances sur les limites du vivant.

Comment ce champignon survit-il à une radioactivité mortelle ?

L'histoire commence à la fin des années 90 avec la microbiologiste ukrainienne Nelli Zhdanova. En explorant les décombres du réacteur, elle a été stupéfaite de trouver non pas un vide biologique, mais une communauté fongique dominée par des espèces sombres. Le Cladosporium sphaerospermum était partout, semblant même attiré par les zones les plus "chaudes". Le secret réside dans la mélanine, le même pigment qui colore notre peau.

Cette mélanine agit comme un bouclier surpuissant. Au lieu de simplement dévier le rayonnement ionisant, elle l'absorbe. Des études menées plus tard par Ekaterina Dadachova ont suggéré que le champignon ne faisait pas que survivre : il utilisait cette énergie pour stimuler son métabolisme. C'est la théorie de la "radiosynthèse", un processus qui s'apparenterait à une photosynthèse nucléaire.

Quelles sont les applications potentielles pour l'exploration spatiale ?

L'idée a rapidement dépassé les frontières de la zone de Tchernobyl. Si cet organisme peut absorber les radiations sur Terre, pourrait-il protéger les humains dans l'espace ? Le rayonnement cosmique galactique est l'un des plus grands dangers pour les missions de longue durée vers la Lune ou Mars. La NASA s'est donc penchée sur cette incroyable capacité.

Une expérience a été menée sur la Station Spatiale Internationale (ISS). Des échantillons de Cladosporium sphaerospermum ont été exposés au vide et aux radiations cosmiques. Non seulement il a survécu, mais sa croissance a été 1,21 fois plus rapide que celle des témoins sur Terre. Les capteurs ont aussi montré qu'une fine couche de cette moisissure suffisait à réduire le passage des radiations, ouvrant la voie à la "myco-architecture" : des boucliers radioprotecteurs auto-régénérants pour les futures bases spatiales.

La "radiosynthèse" est-elle une certitude scientifique ?

Malgré ces résultats spectaculaires, la prudence reste de mise. Le mécanisme exact de la radiosynthèse n'est pas encore entièrement prouvé. Des chercheurs comme Nils Averesch soulignent que la croissance accélérée en orbite pourrait aussi être due à la microgravité. Le processus de conversion d'énergie n'a pas été formellement démontré.

Il se pourrait que le phénomène observé chez ces champignons soit une réponse de stress ultra-efficace plutôt qu'une véritable "alimentation" à base de radiations. Quoi qu'il en soit, la découverte reste majeure. Elle prouve que la vie peut s'adapter aux environnements les plus extrêmes et redéfinit notre recherche de vie extraterrestre tout en offrant des pistes pour la dépollution de sites nucléaires.

Foire Aux Questions (FAQ)

Qu'est-ce que la mélanine ?

La mélanine est un pigment biologique responsable de la coloration de la peau, des cheveux et des yeux chez de nombreux organismes. Chez certains champignons, elle joue un rôle crucial de protection contre les rayonnements, qu'ils soient UV ou ionisants.

Tous les organismes de Tchernobyl sont-ils dangereux ?

Les organismes présents dans la zone d'exclusion peuvent accumuler des radio-isotopes de leur environnement. Cependant, les champignons radiotrophes comme Cladosporium sphaerospermum se distinguent par leur capacité à non seulement tolérer mais aussi à potentiellement utiliser ce rayonnement pour leur croissance.

La "myco-architecture" est-elle une solution d'avenir ?

C'est une piste très prometteuse explorée par la NASA. Utiliser des matériaux à base de champignons pour construire des habitats sur la Lune ou Mars réduirait drastiquement le poids à lancer depuis la Terre et pourrait offrir une protection naturelle et auto-réparatrice contre les radiations cosmiques.