Donald Trump a signé un décret visant à établir un cadre national unique pour l'intelligence artificielle, court-circuitant les réglementations des États. Cette décision, saluée par les géants de la tech, vise à favoriser l'innovation mais suscite une vive opposition et des menaces de batailles judiciaires sur fond de division au sein même du parti républicain.
La question de la supervision de l'intelligence artificielle est depuis des mois au cœur d'un bras de fer intense aux États-Unis. Jusqu'à présent, en l'absence d'une législation fédérale d'envergure, plusieurs États comme la Californie et le Colorado avaient pris les devants en adoptant leurs propres lois pour encadrer les usages de l'IA, notamment pour lutter contre la discrimination algorithmique ou les deepfakes.
Cette mosaïque réglementaire est perçue par les géants de la Silicon Valley, tels que Google et OpenAI, comme un frein majeur à l'innovation et à la compétitivité américaine face à la Chine.
Un décret pour une « seule structure nationale »
Pour mettre fin à ce qu'il considère comme un « patchwork de 50 régimes réglementaires », Donald Trump a signé un décret présidentiel au ton très ferme.
Son objet est de créer un « cadre national unique » pour l'IA, affirmant que les entreprises américaines « doivent être libres d'innover sans réglementation pesante ».
Pour ce faire, le décret ordonne la création d'une AI Litigation Task Force au sein du ministère de la Justice, dont la mission sera de contester en justice les lois des États jugées trop restrictives.
L'administration ne s'arrête pas là et brandit une menace financière. Le secrétaire au Commerce, Howard Lutnick, est chargé d'étudier la possibilité de retenir les fonds fédéraux destinés au déploiement de l'internet haut débit dans les zones rurales pour les États qui ne se conformeraient pas à la ligne directrice de la Maison-Blanche.
David Sacks, conseiller de Trump sur l'IA, a toutefois précisé que les lois concernant la sécurité des enfants ne seraient pas ciblées par cette offensive.
Levée de boucliers politique et juridique
La réaction des opposants n'a pas tardé. La sénatrice démocrate Amy Klobuchar a qualifié la démarche de « mauvaise approche » et « très probablement illégale », soulignant le besoin d'une norme fédérale forte sans pour autant supprimer les protections existantes.
De nombreux experts juridiques doutent de la constitutionnalité d'un tel décret, arguant que le président ne peut pas unilatéralement annuler les lois des États sans une loi votée par le Congrès.
Ils citent notamment une décision de la Cour suprême de 2023 qui avait confirmé le droit de la Californie à réguler son industrie porcine, même avec des répercussions hors de ses frontières.
Les associations de défense des consommateurs, comme Public Citizen, dénoncent une manœuvre d'intimidation et un « cadeau aux Big Tech ». Au niveau des États, l'accueil est glacial. Certains élus démocrates ont déjà déclaré qu'ils ignoreraient purement et simplement le décret, tandis que d'autres ont critiqué l'incohérence de Trump qui, dans le même temps, autorise la vente de puces avancées à la Chine.
La bataille pour la réglementation IA ne fait que commencer et s'annonce âpre sur le terrain judiciaire.
Une fracture au sein du camp républicain
Plus surprenant encore, cette décision expose une profonde fracture idéologique au sein même du Parti républicain. D'un côté, le président et ses alliés de l'industrie technologique, comme le sénateur Ted Cruz, prônent un cadre fédéral souple pour ne pas entraver la course mondiale à l'IA. De l'autre, des figures conservatrices et populistes défendent farouchement la souveraineté des États.*
Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, a ainsi rappelé qu'un « décret ne peut pas préempter une action législative d'un État ». Le sénateur Josh Hawley s'était déjà opposé avec véhémence à une tentative précédente d'inclure une mesure similaire dans la loi sur la défense.
Ce schisme illustre une tension croissante entre l'aile libertarienne du parti, favorable aux grandes entreprises technologiques, et une aile plus nationaliste qui se méfie de leur pouvoir et souhaite voir les États agir comme des garde-fous.
Le monde politique américain se crispe sur certains sujets alors que des signaux négatifs s'accumulent concernant le maintien de la majorité républicaine après les mid-terms de 2026, Donald Trump commençant à rencontrer des résistances dans son propre camp.