Les lignes du marché automobile européen tremblent. En août, les constructeurs chinois ont réalisé une percée inédite sur le Vieux Continent, dépassant des piliers comme Renault et Audi en volume de ventes mensuelles, selon les données de JATO Dynamics.

Une performance boostée par l’ascension fulgurante des véhicules hybrides rechargeables et une stratégie d’implantation locale affûtée. Cette nouvelle donne recompose l’équilibre du secteur et interroge sur la suite d’un duel sino-européen désormais bien engagé.

Le phénomène hybride rechargeable : moteur de la croissance chinoise

En août, les constructeurs chinois ont vendu plus de 43 500 véhicules en Europe, affichant une progression spectaculaire de 121% en un an, tandis que leur part de marché dépasse désormais les 5%.

Avec près de 84 000 véhicules hybrides rechargeables (PHEV) écoulés dans 28 pays européens (+59% sur un an), les PHEV deviennent le segment étoile du moment, après avoir été boudés pendant un temps. Les modèles BYD Seal U, Jaecoo J7 et MG HS se glissent logiquement dans le Top 10 des meilleures ventes hybrides rechargeables du continent.

Quelle est la recette du succès chinois ? D’abord, ces marques misent sur l’offre étendue de modèles combinant essence et électricité, une solution qui séduit pour sa flexibilité d'usage et son rapport prix/performances face aux véhicules 100% électriques, dont le coût reste élevé.

Ce positionnement s’avère efficace auprès de nombreux automobilistes européens désireux d’une transition en douceur vers la mobilité électrique.

Une dynamique portée par l’adaptation face aux barrières douanières

Si les droits de douane imposés par l’Union européenne voulaient freiner leurs ambitions, ceux-ci répondent en implantant une partie croissante de leur production localement.

BYD a d’ailleurs annoncé vouloir fabriquer tous ses modèles destinés à l’Europe sur le sol européen d’ici 2028. Cette stratégie conjuguée à une relative stabilité des prix limite l’effet des barrières tarifaires, tout en rassurant les acteurs locaux et les consommateurs inquiets d’une dépendance asiatique.

BYD Seal U hybride et familiale

Les constructeurs chinois qui le peuvent réduisent leur exposition aux surtaxes en s’adaptant à l’environnement réglementaire européen tandis qu'ils accélèrent la diversification de leur gamme afin de répondre à des besoins variés et renforcer leur présence.

Ces investissements dans le tissu industriel local visent à durablement inscrire la présence des acteurs chinois dans l’écosystème automobile européen.

Un podium bouleversé : Renault et Audi dépassés, Tesla bousculé

Ce basculement permet aux marques chinoises de dépasser Audi (41 300 ventes) et Renault (37 800 ventes) pour la première fois sur le mois. La domination s’étend même au segment des véhicules électriques : si le Tesla Model Y conserve sa couronne de voiture électrique la plus populaire en Europe, il subit une chute notable de 37% de ses ventes par rapport à l’année précédente, alors même que le marché des véhicules électriques croît de 27%.

Cette progression, tempérée toutefois par de nombreuses promotions, montre que les constructeurs chinois ne se limitent plus à un rôle de challenger sur le marché européen.

Ce nouveau podium reflète une mobilité européenne en pleine mutation où la part croissante des hybrides rechargeables redistribue les cartes..mais ajoute aux complications d'une transition difficile vers les motorisations électriques pures.

Pour les acteurs traditionnels, la compétition s’annonce plus rude et les stratégies commerciales doivent s’adapter au rythme imposé par la montée en puissance des géants asiatiques.

Tendances de fond et perspectives : vers un nouvel équilibre du marché ?

Au-delà de cette percée, les chiffres témoignent d’un glissement structurel : la demande pour les véhicules à moteurs électrifiés (PHEV, HEV, BEV) s’amplifie..mais pas encore assez pour assurer la transition à l'échéance prévue, soit 2035 en Europe (pour le moment, à moins d'une renégociation de la date).

Les analystes soulignent toutefois que l’envolée des ventes de voitures électriques, tirée par les campagnes promotionnelles du moment, demeure fragile. « Un bond de 27% des ventes de BEV paraît moins impressionnant qu’il n’y paraît lorsque l’on prend en compte les puissants efforts de promotion actuels », relativise un expert de JATO.

Reste que les ambitions chinoises sont claires : amplifier leur influence en Europe tout en développant un ancrage industriel local. Il reste à voir si les marques européennes sauront s'adapter à cette nouvelle donne et au rythme imprimé par les constructeurs chinois et comment évoluera la législation européenne qui doit arbitrer entre protection de son industrie automobile et respect des engagements environnementaux.

Alors que la mobilité électrique poursuit sa croissance, l’Europe devient un laboratoire d’affrontement entre traditions industrielles et nouveaux entrants disruptifs. 

Face à cette bataille, les consommateurs restent partagés, les prix encore élevés des véhicules électriques et les incertitudes diverses (techniques, réglementaires) freinant les ardeurs.