L'histoire de ce qui fut un fleuron de la tech française s'achève brutalement. Le tribunal de commerce d'Evry a prononcé ce lundi la liquidation judiciaire d'Ynsect, la start-up fondée en 2011 et spécialisée dans la production d'aliments et de fertilisants à base d'insectes.

Malgré des levées de fonds record totalisant 600 millions de dollars, l'entreprise n'a pas réussi à réunir les capitaux nécessaires pour financer son plan de continuation, laissant ses 43 derniers salariés sur le carreau.

La chronique d'une chute annoncée

L'issue n'est pas une surprise totale tant l'entreprise naviguait en eaux troubles depuis des années. Placée en sauvegarde puis en redressement judiciaire en mars 2025, Ynsect avait déjà annoncé un plan de suppression de 137 postes en juin, tentant d'assainir des comptes plombés par des pertes colossales, atteignant 80 millions d'euros en 2023.

Les difficultés économiques s'étaient accumulées, malgré une ultime bouffée d'oxygène de 8,6 millions d'euros apportée par ses actionnaires durant l'été.

Plusieurs choix stratégiques sont aujourd'hui pointés du doigt pour expliquer cet échec. L'entreprise a notamment fait le pari d'une méga-usine à Poulainville, près d'Amiens, sans étape intermédiaire pour valider son processus industriel à grande échelle.

Cette ambition, couplée à une stratégie axée sur un type d'insectes plus coûteux à élever que ses concurrents, a rendu son modèle économique fragile face à une concurrence féroce sur le marché des protéines alternatives.

L'argent public et les regrets locaux au cœur des débats

La chute d'Ynsect ravive le débat sur l'utilisation des fonds publics dans le financement de l'innovation. Hadrien Godard, représentant des salariés, a déploré qu'il y ait eu « énormément d'argent public en jeu », critiquant une croissance menée « trop gros, trop vite, d'un seul coup » et aboutissant à un « désastre social et industriel ».

La participation de la banque publique BPIFrance et les subventions locales, comme les 770 000 euros versés par Amiens Métropole, sont au centre des attentions.

Face aux critiques, les élus locaux défendent leur stratégie. Alain Gest, président d'Amiens Métropole, rappelle que les investissements privés massifs, à hauteur de 600 millions de dollars, prouvaient que « pratiquement tout le monde croyait dans ce projet ».

Il maintient que le soutien aux entreprises est la bonne méthode, arguant que ces aides ont permis de « faire baisser le chômage plus vite » dans l'Amiénois que la moyenne nationale.

Quel avenir pour les actifs et le site d'Amiens ?

Malgré la liquidation, tout n'est peut-être pas perdu. Le président d'Ynsect, Emmanuel Pinto, appelle à la reprise des actifs de l'entreprise, qui comprennent un important portefeuille de plus de 400 brevets et une méthode d'élevage jugée robuste.

L'espoir demeure que ces compétences techniques et industrielles trouvent un usage productif pour contribuer à l'indépendance protéique de l'Europe.

L'avenir du site géant de Poulainville reste la principale inconnue. Les élus de la région Hauts-de-France et d'Amiens Métropole ont exprimé leurs regrets, expliquant l'échec par un « marché moins mature que prévu » et une forte concurrence internationale.

Ils appellent désormais à un examen rapide des conditions de « réindustrialisation du site », une étape cruciale pour tourner la page de ce qui restera comme l'un des plus grands fiascos de la tech française.

Source : Ici