Les batteries nucléaires sont l'un des moyens de la conquête de l'espace et les techniques évoluent. Zeno Power, start-up américaine basée à Seattle, annonce la conclusion d’un accord stratégique avec le recycleur français Orano pour l’approvisionnement en americium-241.
Cette ressource ouvre la voie à une nouvelle génération de batteries nucléaires capables d’alimenter les prochaines missions spatiales les plus ambitieuses, de la surface lunaire aux confins du système solaire.
Alors que la pénurie de plutonium-238 limitait les ambitions de la NASA, la solution innovante de Zeno Power pourrait bouleverser le paysage énergétique spatial en débloquant cette filière.
Une collaboration internationale au service de la survie spatiale
L’accord récemment signé entre Zeno Power et Orano repose sur la récupération de l’americium-241 à partir de déchets nucléaires traités sur le site de la Hague, dans le nord de la France.
Selon Harsh Desai, responsable de la commercialisation chez Zeno, ce partenariat permet d’assurer une source fiable et pérenne d’americium-241 pour les futures batteries spatiales : « Nous avons l’intention de lancer un système d’alimentation radio-isotopique à l’americium d’ici la fin de la décennie, et ce carburant d’Orano nous offre la capacité de passer à l’échelle pour répondre à une demande croissante. »
Cette démarche industrielle s’inscrit dans le prolongement de trois années de collaborations et de recherches entre les deux partenaires, avec pour objectif de sécuriser la chaîne d’approvisionnement et de surmonter les limites du plutonium-238 traditionnellement utilisé pour alimenter les missions de la NASA.
L'americium-241 provient du retraitement des combustibles nucléaires usés et son abondance en fait une alternative crédible pour de nombreuses missions spatiales. Le nucléaire pourra ainsi redevenir une solide alternative au travers de cette collaboration transatlantique, avec un approvisionnement moins problématique.
Les atouts de l’americium-241 face au plutonium-238
Le choix de l’americium-241 repose sur des arguments solides. Cet isotope possède une demi-vie d’environ 430 ans, ce qui garantit une autonomie énergétique sur plusieurs décennies, soit bien plus que la durée des plus grandes missions spatiales actuelles (ok, si on excepte les sondes Voyager 1 et 2 avec presque 50 ans au compteur...et qui utilisent la désintégration du plutonium-238 pour génerer leur énergie).
Outre le fait d’être abondant par rapport au plutonium-238, l’americium-241 affiche une densité énergétique supérieure, limitant ainsi la masse à embarquer sur les prochaines sondes et rovers.
Si la NASA compte alimenter de futures installations lunaires avec des panneaux solaires, il faudra compter avec les longues nuits lunaires. Des batteries nucléaires alimentées à l'américium-241 pourraient assurer un approvisionnement stable complémentaire..
Comme l’explique Harsh Desai : « Les batteries nucléaires à l’americium-241 permettront à chaque mission lunaire de survivre et fonctionner durant la nuit glaciale qui règne sur la Lune, tout en continuant à délivrer de l’énergie pendant des années, voire des décennies. »
La multiplication annoncée des missions spatiales nécessite une ressource abondante et fiable. L’americium-241, sous-produit du retraitement du combustible nucléaire, répond à cet impératif, rendant possible l’alimentation de plusieurs kilogrammes par an et la réalisation de plusieurs missions en parallèle.
Des applications stratégiques pour la Lune, Mars et au-delà
La technologie développée par Zeno Power vise en priorité les missions du programme Artemis de la NASA, qui concerne le retour des humains sur la Lune et l'établissement d'une base durable.
Les futurs rovers, landers et infrastructures lunaires pourront fonctionner de manière autonome, sans dépendance au faible ensoleillement ou aux températures extrêmes.
Zeno Power travaille aussi sur des batteries au strontium dans le cadre d’un contrat avec le département de la Défense américain, ciblant des déploiements maritimes ou militaires de courte durée.
En permettant le passage à la production à grande échelle de batteries nucléaires à l’americium-241, l’accord avec Orano ouvre des perspectives pour un accès à l’énergie spatiale longue durée.
Réglementation, investissements et perspectives industrielles
La sécurisation de l’approvisionnement en americium-241 soulève aussi des questions réglementaires. Zeno Power affirme collaborer depuis 2022 avec la FAA (Federal Aviation Administration) et d’autres agences pour accélérer la validation des missions, évaluant que les projets commerciaux pourraient recevoir une autorisation 12 à 24 mois après le choix du lanceur.
Cette avancée suit également une levée de fonds de 50 millions de dollars destinée à développer les systèmes énergétiques pour le spatial et le secteur sous-marin.
La transition s’opère naturellement vers une phase industrielle où le nucléaire recyclé devient un levier de compétitivité pour les acteurs du spatial : « Pouvoir disposer de plusieurs kilogrammes d’americium-241 chaque année, c’est assurer plus d’une mission annuelle et répondre à une demande qui s’intensifie dans le secteur spatial », explique Zeno Power.