Dans le comté de Morrow, une région rurale de l'Oregon, une crise sanitaire silencieuse prend de l'ampleur. La nappe phréatique, unique source d'eau potable pour des milliers d'habitants, est gravement contaminée par les nitrates. Si l'agriculture intensive est la source originelle du problème, l'arrivée des gigantesques data centers d'Amazon Web Services (AWS) depuis 2011 a considérablement accéléré la dégradation de la situation, créant un cocktail toxique aux effets dévastateurs.

Comment les serveurs d'Amazon amplifient-ils la pollution existante ?

Les data centers, pour refroidir leurs serveurs surchauffés, consomment des millions de litres d'eau chaque année, puisés directement dans l'aquifère local (la nappe d'eau souterraine de la région). Cette eau est déjà chargée en nitrates provenant des engrais des méga-fermes de la région. Le processus de refroidissement aggrave le problème de manière significative.

En effet, lorsque l'eau circule dans les systèmes pour absorber la chaleur, une partie s'évapore, mais les nitrates, eux, restent. Le résultat est une concentration accrue de polluants. L'eau rejetée dans le système des eaux usées du Port de Morrow est donc encore plus toxique qu'à son entrée, atteignant parfois des concentrations huit fois supérieures à la limite de sécurité de l'Oregon. Ce cycle infernal contamine toujours plus la source même où les habitants puisent leur eau.

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Les data centers d'Amazon à Portland (Oregon)

Quelles sont les conséquences sanitaires pour la population locale ?

Les effets sur la santé des résidents sont alarmants. Un ancien commissaire du comté, Jim Doherty, a tiré la sonnette d'alarme après avoir constaté une hausse de pathologies inhabituelles. Des tests menés sur des puits privés ont révélé des niveaux de nitrates dépassant largement les seuils fédéraux, avec des cas de cancer rares.

Les témoignages recueillis sont affolants : des fausses couches inexpliquées, des maladies rénales, et même des cas de cancers rares chez des personnes sans antécédents, comme un cancer du larynx chez un non-fumeur. La situation est comparée à la crise de Flint, au Michigan, car elle touche une population économiquement précaire, avec peu de pouvoir politique et une connaissance limitée des risques encourus.

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Quelle est la réponse d'Amazon et des autorités locales ?

Face à ces accusations, Amazon se défend en affirmant que ses activités représentent une fraction infime du système hydrique et n'ont pas d'impact significatif. La société souligne que les problèmes de qualité de l'eau sont bien antérieurs à son implantation. Pourtant, des documents internes révèlent que l'entreprise était consciente de l'enjeu, cherchant à se positionner en « entreprise citoyenne » tout en négociant des avantages fiscaux de plusieurs milliards de dollars.

Les autorités locales, quant à elles, ont été critiquées pour la lenteur de leur réaction et des conflits d'intérêts présumés. Des enquêtes ont mis en lumière des accords financiers suspects entre des responsables publics et des entreprises liées à l'infrastructure d'Amazon, soulevant des questions sur les véritables priorités des décideurs. La population, elle, se sent abandonnée, prise en étau entre les impératifs économiques et une urgence sanitaire grandissante.

Source : Rolling Stone