Profitant d’une dynamique exceptionnelle entre croissance des revenus, avancées dans l’IA et virage stratégique inédit, le concepteur britannique ARM se place aujourd’hui au centre de toutes les discussions.
Les analystes s’interrogent : ARM est-elle sur le point de redéfinir les règles du jeu dans les semi-conducteurs et l’intelligence artificielle ?
Des résultats financiers historiques qui changent la donne
Pour le deuxième trimestre consécutif, ARM dépasse la barre symbolique du milliard de dollars de chiffre d’affaires trimestriel, atteignant 1,05 milliard de dollars, soit une progression de 12% sur un an.
Cette performance s’appuie sur une hausse impressionnante des revenus de licences et royalties, notamment grâce à l’adoption accélérée de l’architecture Armv9 et à la montée en puissance des Compute Subsystems (CSS). Parmi les éléments moteurs : le secteur des datacenters et de l’automobile connectée, où ARM réalise ses plus belles percées.
Déjà incontournable dans les puces mobiles, de plus en plus à l'aise dans les processeurs pour PC et pour serveurs et capables d'aller jusqu'aux supercalculateurs, l'architecture ARM veut aussi s'imposer de nouveaux domaines porteurs.
Offensive totale sur le marché de l’IA : la stratégie gagnante d’ARM
Si ARM attire autant l’attention, c’est aussi par son entrée remarquée sur le marché de l’intelligence artificielle. L'architecture ARM est déjà présente dans de nombreux produits dédiés conçus par ses partenaires, comme la superpuce Grace de Nvidia, les processeurs Graviton de AWS (Amazon) ou les récentes puces Axion de Google et Cobalt de Microsoft.
Processeur ARM Google Axion
L’entreprise ne se contente plus de fournir la base architecturale : elle ambitionne d’offrir des "solutions complètes", des sous-systèmes prêts à l’emploi (CSS) et examine la viabilité de produire ses propres chiplets, voire des puces entières.
De la conception d'architectures exploitées par d'autres entités pour produire des puces, ARM voudrait maintenant produire directement et proposer ses propres composants.
Encouragée par ses partenaires, ARM veut répondre à l’explosion de la demande de calcul IA en proposant une réponse clé-en-main, là où jusqu’à présent, elle restait cantonnée à la fourniture de blocs IP.
Cette projection est motivée par son succès dans le cloud et les datacenters, où sa famille Neoverse est en passe de dépasser 50% de parts chez certains grands acteurs de l’écosystème hyperscaler, un résultat multiplié par deux en un an.
ARM fait aussi la différence côté automobile avec sa Zena CSS. Déjà adoptée par plus d’un tiers des géants mondiaux du secteur, cette plateforme accompagne la transition vers le véhicule piloté par intelligence logicielle, contribuant à l’essor des "voitures définies par logiciel".
Le modèle ARM : entre écosystème ouvert et évolution vers l'intégration
Le modèle commercial historique d’ARM repose sur la licence et l’ouverture de son écosystème. Un pari gagnant jusque-là, qui lui a permis de s’ériger en standard dans le calcul embarqué, le mobile, l’automobile et désormais l’IA.
Pourtant, ARM s’interroge aujourd’hui sur un virage : concevoir et fabriquer elle-même certains sous-ensembles ou puces, afin de répondre à la demande croissante d’intégration et d’efficacité pour les applications IA.
Cette transition présente des défis. Outre la gestion de sites de production, l’entreprise doit composer avec le risque de fragiliser son réseau de partenaires traditionnels, qui pourraient craindre une concurrence avec leurs propres offres. Elle doit donc préserver la richesse de son écosystème, enjeu clé sur fond de rivalité croissante avec l'architecture concurrente RISC-V open source, très plébiscitée en Chine comme alternative présentant moins de risques de blocage dans le futur.
Quels défis et perspectives pour ARM dans l’IA ?
Le contexte concurrentiel s’intensifie, avec des rivaux comme NVIDIA ou la montée en puissance du RISC-V en open source. Si ARM jouit d’une avance indéniable grâce à sa suprématie technologique - efficacité énergétique, portabilité logicielle, objet connecté et cloud -, elle doit continuer d’innover tout en modulant son modèle économique.
Pour autant, ARM dispose d’arguments forts : sa capacité à fédérer un grand écosystème de développeurs, la portabilité de ses architectures (de l’internet des objets au datacenter IA), ou encore sa force dans l’automobile connectée et l’edge computing.
L’actualité d’ARM révèle une mutation accélérée, où l’entreprise capitalise sur son expertise historique tout en s’émancipant. En visant le marché du cloud, de l’edge et de l’automobile intelligente avec une approche "solution complète", ARM tente de s’imposer comme la plateforme universelle, de la puce à la solution IA prête à déployer.