Face aux nouvelles géométries d'avions qui remettent en cause les protections traditionnelles, des chercheurs du MIT ont développé un outil de simulation basé sur la physique.
Il prédit comment la foudre interagira avec ces appareils futuristes, permettant de concevoir des blindages plus légers, plus efficaces et parfaitement adaptés.
La sécurité aérienne repose sur des décennies de données accumulées sur des avions à la structure classique, dite "tube et ailes". Leurs protections anti-foudre sont éprouvées et efficaces.
Mais l'industrie aéronautique, en quête de performance et d'économies de carburant, se tourne vers des designs audacieux comme les ailes rhomboïdales ou les fuselages intégrés de type ailes volantes. Pour ces nouvelles configurations, l'historique de données est inexistant, rendant les méthodes de protection traditionnelles obsolètes.
Un zonage anti-foudre à réinventer
Actuellement, la protection d'un avion est déterminée par un système de zonage qui classe les différentes parties de l'appareil selon leur probabilité d'être touchées.
Les zones les plus exposées, comme le nez ou les extrémités des ailes, reçoivent un blindage renforcé, souvent sous forme de feuilles de cuivre intégrées. Ce processus, basé sur l'expérience et l'inspection d'appareils après impact, garantit la sécurité mais a ses limites.
Protéger l'intégralité d'un avion avec le niveau maximal de blindage le rendrait beaucoup trop lourd. Le zonage vise donc à optimiser la sécurité tout en maîtrisant le poids supplémentaire, un enjeu crucial pour la consommation de carburant. Or, sans données historiques, il est impossible de savoir comment zoner efficacement les avions de demain.
La physique comme boussole
Pour contourner cet obstacle, une équipe d'ingénieurs en aérospatiale du MIT, dirigée par la professeure Carmen Guerra-Garcia, a changé de perspective. Plutôt que de se fier à des données empiriques, ils ont développé une simulation basée sur la physique, agnostique à la forme de l'appareil.
Leur modèle combine la dynamique des fluides pour simuler l'écoulement de l'air autour de l'avion en vol et l'électrostatique pour prédire le comportement de la foudre.
L'outil simule des dizaines de milliers d'arcs électriques potentiels, en partant des points d'attache les plus probables. Il calcule ensuite la manière dont le courant "balaie" la surface de l'avion, influencé par sa vitesse et les flux d'air. Ce processus permet d'identifier les chemins que l'électricité est susceptible d'emprunter, quelle que soit la complexité de la géométrie de l'avion.
Des cartes de vulnérabilité pour optimiser la protection
Le résultat de ces simulations prend la forme de cartes de vulnérabilité, ou "cartes de zonage", qui colorent les différentes sections de l'avion en fonction du risque. Ces cartes ne se contentent pas d'indiquer où la foudre frappe, mais aussi le "temps de séjour" de l'arc électrique, c'est-à-dire combien de temps il reste fixé sur une zone spécifique. Une zone où l'arc s'attarde nécessite une protection bien plus robuste.
Grâce à cette approche, les concepteurs peuvent intégrer dès les premières phases du design un système de protection parfaitement taillé sur mesure. Cela permet d'optimiser le poids tout en garantissant un niveau de sécurité maximal, un équilibre essentiel pour la viabilité des futurs aéronefs.
Au-delà de l'aviation : des éoliennes aux nouvelles normes
Pour valider leur méthode, les chercheurs l'ont appliquée à des avions conventionnels et ont constaté que leurs cartes correspondaient étroitement aux normes industrielles actuelles, forgées par des décennies d'expérience.
Forts de cette confirmation, ils appliquent désormais leur outil à des concepts futuristes, mais aussi à d'autres domaines. Les éoliennes offshore, de plus en plus grandes et exposées, subissent des dommages importants liés à la foudre.
Le travail de l'équipe du MIT, soutenu par Boeing, pose les bases d'une nouvelle approche pour la certification aéronautique, où la simulation physique précède et guide la conception. Alors que les silhouettes des avions de demain se dessinent, cet outil garantit que leur sécurité face aux caprices du ciel évoluera au même rythme.