Les batteries lithium-ion jouent un rôle central dans la mobilité électrique et la transformation énergétique mais un sujet inquiète autant l’industrie que les particuliers : comment prévenir leurs défaillances soudaines, parfois spectaculaires ?
Une équipe du MIT (Massachushetts Institute of Technology) vient de dévoiler une innovation inattendue : il est possible de « lire » l’état interne d’une batterie en écoutant ses sons. Cela ouvre une nouvelle fenêtre sur l'estimation de la dégradation des cellules bien avant qu’un risque n’apparaisse. Ce tournant majeur promet de transformer la sécurité, la durée de vie et la maintenance des systèmes de stockage d’énergie.
Les batteries « chantent » leur état de santé : quand la science écoute
Jusqu’à présent, la surveillance des batteries reposait sur des mesures électriques, loin d’être suffisamment précises pour saisir les prémices d’un problème interne sérieux.
Le MIT a trouvé le moyen de faire mieux : les chercheurs ont identifié que chaque type de défaillance génère une signature acoustique distincte. « Nous avons pu classifier ces émissions sonores selon leur origine : bulles de gaz issues de réactions secondaires ou fractures du matériau actif, et trouver leur trace même dans des données bruitées. », explique Martin Bazant, professeur au MIT.
Tests acoustiques et électrochimiques expérimentaux sur des batteries Li-Ion
(credit : MIT / Alexander Cohen)
Ainsi, les gémissements, craquements et « bulles » détectés lors des cycles de charge et de décharge permettent désormais de comprendre précisément ce qui menace le cœur d’une batterie.
Détecter la panne avant la catastrophe : une prévention nouvelle génération
L’originalité de cette approche réside dans un couplage intelligent entre l’analyse acoustique et les données électriques. Un procédé qui permet non seulement d’isoler des phénomènes invisibles – comme les gaz générés par des réactions parasitaires ou les microfissures internes –, mais aussi d’en déduire l’état de santé global de la cellule.
« C’est comme observer les toutes premières bulles dans de l’eau portée à ébullition, bien avant qu’elle ne soit dangereuse », résume Bazant. Cette capacité d’anticipation transforme la donne pour la sécurité, particulièrement dans le contexte sensible des véhicules électriques et des installations de stockage de grande ampleur, où les incidents peuvent avoir des conséquences graves.
Un potentiel industriel : vers une fabrication et une maintenance optimisées
Les applications directes de cette technologie sont nombreuses. Première cible : la maintenance prédictive des batteries de véhicules électriques, mais aussi des systèmes stationnaires pour réseaux électriques.
Grâce à des capteurs acoustiques, il sera bientôt envisageable de détecter et d’identifier très tôt les cellules défaillantes ou mal formées avant la mise en circulation, ce qui peut constituer une avancée décisive pour la qualité industrielle.
Tata Motors, constructeur indien, a déjà attribué une bourse à l’équipe du MIT pour accélérer le développement de ce système de détection intégré à ses batteries de véhicules. À terme, le secteur des fabricants de batteries pourrait réduire les rappels massifs, améliorer le contrôle qualité et prolonger significativement la durée de vie des batteries.
Un outil pour la découverte de nouveaux matériaux
Au-delà de la prévention en usage réel, cette avancée s’annonce comme un atout crucial pour la recherche et développement. Les groupes cherchant à concevoir de nouveaux matériaux ou à tester l’effet de différents environnements sur la batterie pourront analyser gaz et fractures internes sans avoir à ouvrir les cellules : un gain de temps et d’argent appréciable pour la recherche dans les batteries.
L’aspect passif, non destructif et peu onéreux du dispositif permettra d’appliquer ce monitoring sonore de façon continue lors des cycles de formation, étape clé de la fabrication. Ici, c’est la capacité à séparer les cellules promis à une longue vie des unités potentiellement fragiles qui séduira les industriels.
Quels défis pour l’industrialisation et l’avenir des batteries ?
La réussite du MIT suscite l’espoir : imaginer des batteries autosurveillées, capables d’alerter à la moindre anomalie grâce à leur « langage » propre. Mais de nombreuses questions d’intégration restent ouvertes : miniaturisation des capteurs acoustiques, gestion des bruits parasites dans des environnements industriels bruyants, intégration logicielle dans les architectures existantes…
Autant de verrous à lever pour que cette technologie de suivi de l'état de la batterie devienne une norme capable de rendre obsolète la maintenance réactive.