Bill Gates propose un pivot stratégique dans la lutte climatique. Le cofondateur de Microsoft estime que l'obsession pour la réduction des émissions détourne des ressources vitales.
Il appelle désormais à prioriser la lutte contre la pauvreté et les maladies, considérant que le bien-être humain est la meilleure défense contre un monde qui se réchauffe.
Longtemps figure de proue de l'innovation verte, auteur de l'ouvrage "Climat : comment éviter un désastre", Bill Gates a surpris en publiant un message sur Gatesnotes qui prend à rebrousse-poil le discours dominant.
À l'approche de la conférence sur le climat COP30 au Brésil, le milliardaire philanthrope estime que la focalisation quasi exclusive sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre est une erreur.
Selon lui, cette approche détourne des financements qui seraient plus efficaces pour améliorer concrètement la vie des populations les plus vulnérables.
De la fin du monde à la fin de la faim : un changement de paradigme
Le cœur de l'argument de Gates repose sur un arbitrage audacieux. Il affirme sans détour que si on lui donnait le choix entre éradiquer le paludisme et limiter le réchauffement de 0,1 degré Celsius, il choisirait la première option sans hésiter.
Pour lui, la vision apocalyptique du climat a conduit à une course aux objectifs chiffrés, oubliant l'essentiel : le bien-être humain. Ce pivot stratégique vise à replacer la souffrance humaine au centre des préoccupations, arguant que la lutte contre la pauvreté, la malnutrition et les maladies est la forme la plus efficace d'adaptation climatique.
Il ne s'agit pas d'un abandon de la cause climatique, précise-t-il, mais d'une réaffectation des priorités et des ressources. Un climat stable reste un objectif crucial, car il facilite le développement.
Cependant, face à des budgets d'aide internationale en baisse, chaque dollar dépensé doit avoir un impact maximal sur la vie des gens.
Une proposition qui divise la communauté scientifique
Cette prise de position n'a pas manqué de faire réagir. La proposition de Bill Gates a été accueillie avec un mélange d'approbation et de scepticisme par la communauté scientifique.
Certains experts, comme Kristie Ebi de l'Université de Washington, saluent la volonté de se concentrer sur la santé et le bien-être, mais reprochent à Gates une vision simpliste qui ignore l'interconnexion des crises.
D'autres, comme Jeffrey Sachs de l'Université Columbia, qualifient la note de "vague et confuse", affirmant qu'il n'y a aucune raison d'opposer la réduction de la pauvreté à la transformation climatique.
À l'inverse, des voix comme celle de Ted Nordhaus, du Breakthrough Institute, soutiennent que le changement climatique ne représente pas la menace existentielle souvent décrite.
Ils estiment que l'humanité a toujours su s'adapter et que l'accent mis sur la résilience et le développement est plus réaliste. Le débat souligne une fracture profonde sur la manière d'aborder la crise : faut-il prioriser la cause (les émissions) ou les conséquences directes sur les populations ?
L'innovation comme rempart, le développement comme bouclier
Malgré ce changement de rhétorique, Bill Gates reste un fervent optimiste quant au pouvoir des innovations technologiques. Il souligne que les progrès dans les énergies solaire et éolienne ont été plus rapides que prévu, écartant les scénarios les plus pessimistes.
L'intelligence artificielle, selon lui, pourrait encore accélérer la transition vers des industries propres, comme la production d'acier ou de ciment vert. Cependant, sa thèse principale est ailleurs : la meilleure défense contre le changement climatique reste le développement économique et sanitaire.
Il cite une étude montrant que la croissance économique attendue d'ici la fin du siècle pourrait réduire de plus de 50 % la mortalité liée au climat. Un enfant vacciné et en bonne santé sera plus à même de survivre à une vague de chaleur ou à une sécheresse. C'est cette résilience, bâtie sur la prospérité et la santé, que le fondateur de la Fondation Gates veut désormais financer en priorité.
Alors que les dirigeants mondiaux se préparent pour la COP30, la question est posée. Le pragmatisme de Bill Gates, axé sur l'amélioration tangible et immédiate des conditions de vie, influencera-t-il l'agenda climatique mondial, ou restera-t-il une voix dissonante dans le concert des nations focalisées sur les degrés et les tonnes de CO2 ?
 
	 
	 
	 
	