Boom Supersonic, connu pour son projet d'avion de ligne supersonique Overture, se lance sur le marché de l'énergie. L'entreprise a levé 300 millions de dollars et sécurisé une commande de 1,25 milliard de dollars de Crusoe pour ses turbines à gaz Superpower, conçues pour alimenter les centres de données et financer en retour son ambition aéronautique.
L'histoire de ce pivot commence de manière presque anecdotique, lorsque le PDG de Boom Supersonic, Blake Scholl, prend conscience de la crise énergétique menaçant l'industrie de l'IA en consultant les réseaux sociaux.
Une simple conversation avec Sam Altman, le patron d'OpenAI, confirme l'ampleur du problème et déclenche une réaction en chaîne. Il découvre alors que ses équipes d'ingénieurs avaient déjà esquissé un plan pour adapter leur moteur supersonique Symphony en une turbine stationnaire. Ce qui n'était qu'une idée devient rapidement une priorité.
Un virage stratégique inspiré par la pénurie d'énergie
La demande explosive en puissance de calcul pour l'IA a mis les infrastructures électriques sous une pression considérable. De nombreuses régions peinent à fournir l'électricité nécessaire, forçant les opérateurs de centres de données à chercher des solutions alternatives pour éviter les retards liés à la construction de nouvelles lignes de transmission.
C'est dans cette brèche que Boom s'engouffre avec une proposition audacieuse : des centrales électriques sur site, prêtes à l'emploi.
Ce besoin criant de puissance fiable et rapide à déployer a transformé un projet interne en une véritable unité commerciale. L'entreprise affirme être passée du concept à un accord signé pour 1,21 gigawatts en seulement trois mois.
Cette rapidité d'exécution contraste fortement avec les délais de cinq à sept ans actuellement cités par les géants du secteur comme GE Vernova ou Siemens Energy, toujours aux prises avec les séquelles des perturbations des chaînes d'approvisionnement post-pandémie.
Superpower : un moteur d'avion cloué au sol ?
La nouvelle turbine, baptisée Superpower, est une centrale à gaz naturel de 42 mégawatts dérivée directement du cœur du moteur Symphony. Selon Blake Scholl, les moteurs supersoniques sont conçus pour fonctionner « en continu, à des charges thermiques extrêmes », des conditions très similaires à celles requises pour alimenter des data centers.
Cette filiation technologique conférerait à Superpower un avantage décisif sur ses concurrents, souvent issus de moteurs subsoniques plus anciens.
Le principal argument de Boom réside dans la performance de sa turbine à haute température. Là où les solutions existantes perdraient 20 à 30 % de leur puissance par forte chaleur, Superpower maintiendrait sa pleine capacité de 42 MW sans nécessiter de refroidissement par eau.
Chaque turbine sera livrée dans un conteneur standard, charge au client, comme Crusoe, de gérer les raccordements et les systèmes de contrôle de la pollution. L'entreprise prévoit déjà une « Superpower Superfactory » pour industrialiser la production.
Un modèle économique à la SpaceX pour financer Overture
Cette diversification inattendue place la société sur une trajectoire d'autofinancement pour son projet principal, l'avion de ligne Overture. Blake Scholl n'hésite pas à comparer ce modèle à celui de Starlink pour SpaceX, où les revenus d'une activité rentable financent le développement d'une autre, plus ambitieuse et capitalistique.
L'aventure de l'avion de ligne supersonique Overture se poursuit en parallèle
« J'ai cherché pendant 10 ans ce qui pourrait être notre Starlink », a-t-il confié, considérant Superpower comme la pièce manquante de son plan.
Pour soutenir ce lancement, Boom a bouclé une levée de fonds de 300 millions de dollars menée par Darsana Capital Partners. Le premier contrat avec Crusoe, portant sur 29 turbines pour un total de 1,25 milliard de dollars, valide la pertinence du marché.
Toutefois, le défi reste immense. L'entreprise devra prouver qu'elle peut contourner les goulots d'étranglement qui paralysent ses concurrents et réussir à mettre en place une production à grande échelle, visant 4 gigawatts par an d'ici 2030. Le pari est lancé pour que la puissance de l'IA donne des ailes au retour du vol supersonique.